☭ Lénine : Œuvres complètes informatisées

| Éditions Communistus

Volume 04 pages 284-285

et, enfin, à l’assemblée générale des représentants du pays ».

Ainsi, les rédacteurs de la Rabolchaïa Mysl estiment que
le seul socialisme ouvrier digne de ce nom est celui qui peut
être réalisé par la voie pacifique, la voie révolutionnaire
étant exclue. Rétrécir ainsi le socialisme et le réduire à un
vulgaire libéralisme bourgeois, c’est faire de nouveau un
énorme pas en arrière par rapport aux conceptions de tous
les social-démocrates russes et de l’immense, de l’écrasante
majorité des social-démocrates européens. Certes, la classe
ouvrière préférerait prendre le pouvoir par des moyens paci
fiques (nous avons déjà dit plus haut que cette prise du pou
voir ne peut être réalisée que par une classe ouvrière orga
nisée, qui aura fait l’apprentissage de la lutte de classe);
mais renoncer à la prise du pouvoir par la voie révolution
naire serait une folie de la part du prolétariat, du point de
vue théorique comme du point de vue politique et pratique,
et constituerait, ni plus ni moins, une concession honteuse
avec la bourgeoisie et toutes les classes possédantes. Il est
fort probable — c’est même l’hypothèse la plus probable —
que la bourgeoisie ne voudra pas s’effacer pacifiquement
devant le prolétariat, mais qu’au moment décisif elle usera
de la violence pour défendre ses privilèges. 11 ne restera
plus alors à la classe ouvrière, pour atteindre son but,
d’autre moyen que la révolution. Voilà pourquoi le program
me du « socialisme ouvrier » parle de la conquête du pou
voir politique en termes généraux, sans préciser le moyen
de réaliser cette conquête, car le choix de ce moyen dépend
d’un avenir qu’il nous est impossible de déterminer avec
précision. Mais borner l’action du prolétariat, en tout état
de cause, à la seule « démocratisation » pacifique, c’est,
répétons-le, rétrécir et avilir d’une façon tout à fait arbi
traire la notion de socialisme ouvrier.

Nous n’analyserons pas d’une façon aussi détaillée les
autres articles du « Supplément spécial ». Il a déjà été ques
tion de l’article sur le dixième anniversaire de la mort de
Tchernychevski. Quant à la propagande faite par les rédac
teurs de la Rabotchaïa Mysl en faveur de la bernsteiniade, à
laquelle se sont si énergiquement raccrochés, dans le monde
entier, tous les ennemis du socialisme en général et les li
béraux bourgeois en particulier, et contre laquelle s’est ca
tégoriquement prononcée (au congrès de Hanovre) l’immen-

se majorité des social-démocrates allemands et des ouvriers
conscients allemands, — quant à la bernsteiniade, ce n’est
pas le moment d’en parler en détail. Ce qui nous intéresse
ici, c’est la bernsteiniade russe, et nous avons déjà montré
l’incroyable confusion d’idées, l’absence de toute allusion
à des conceptions originales, le recul délibéré par rapport
aux idées do la social-démocratie russe, que représente « no
tre » bernsteiniade. En ce qui concerne la bernsteiniade al
lemande, laissons la parole aux Allemands eux-mêmes. No
tons seulement encore que la bernsteiniade russe est de loin
inférieure à la bernsteiniade allemande. Malgré toutes ses
erreurs et sa tendance évidente à rétrograder au point de
vue théorique et aussi politique, Bernstein, qui n’est arrivé
lui-même à aucune nouvelle théorie et aucun nouveau pro
gramme, a encore conservé assez d’intelligence et de bonne
foi pour renoncer à proposer des modifications au programme
de la social-démocratie allemande ; au dernier et décisif
moment, il a déclaré accepter la résolution de Bebel, où
il a été proclamé solennellement, à la face du monde, que
la social-démocratie allemande gardait son ancien program
me et son ancienne tactique. Et nos bernsteiniens russes ?

Sans avoir fait même la centième partie do ce qu’a fait Bern
stein, ils en arrivent à vouloir ignorer, purement et sim
plement, que toutes les organisations social-démocrates
russes ont jeté en 1898 les fondements du « Parti ouvrier
social-démocrate de Russie », ont publié le Manifeste de ce
parti et déclaré que la Rabotchaïa Gazéta était son organe
officiel, et tout cela entièrement sur la base du « vieux »
programme des social-démocrates russes. Nos bernsteiniens
semblent ne pas se rendre compte que, s’ils ont rejeté ces
anciennes conceptions et en ont adopté de nouvelles, leur
devoir moral, leur devoir envers toute la social-démocratie
russe et envers les socialistes et les ouvriers qui ont travail
de toutes leurs forces à la préparation et à la formation
du « Parti ouvrier social-démocrate de Russie » et dont la
plupart remplissent aujourd’hui les prisons • russes, —ce
devoir exige des représentants des nouvelles conceptions
qu’ils ne se bornent pas à harceler sournoisement « nos
révolutionnaires » en général, mais qu’ils disent ouverte
ment, publiquement, avec qui et en quoi précisément ils
sont en désaccord, quels sont au juste les nouvelles concep-