Volume 04 pages 274-275
saires, harcèlent sournoisement tantôt «l’auteur d’un li
vre allemand sur Tchernychevski » (Plékhanov, en le met
tant d’ailleurs sur le même plan que certains écrivains lé
gaux, et cela sans aucune raison valable), tantôt le groupe
« Libération du Travail », en citant non sans les déformer
des extraits de sou programme, auquel ils se gardent bien
d’en opposer un autre tant soit peu délini. Oui, nous re
connaissons le devoir de camaraderie, le devoir de soute
nir tous les camarades, le devoir de se montrer tolérant pour
les opinions des camarades, mais pour nous le devoir de
camaraderie dérive du devoir envers la social-démocratie russe
et la social-démocratie internationale, et non inversement.
Si nous nous reconnaissons des devoirs de camaraderie
envers la Rabotchaïa Mysl, ce n’est pas que ses rédacteurs
soient nos camarades ; nous estimons que ses rédacteurs
sont nos camarades uniquement parce que et pour autant
qu’ils militent dans les rangs de la social-démocratie russe
(et donc internationale). Et c’est pourquoi, si nous sommes
convaincus que des « camarades » sont en régression par
rapport au programme social-démocrate, que des « cama
rades » rétrécissent et dénaturent les tâches du mouvement
ouvrier, nous estimons devoir dire notre opinion en toute
netteté et sans réticences d’aucune sorte !
Nous venons de dire que les rédacteurs de la Rabotchaïa
Mysl dénaturent les idées du groupe « Libération du Tra
vail ». Que le lecteur juge lui-même. «Nous risquons, écrit
R.M., de no pas comprendre ceux de nos camarades pour
qui leur programme de « libération du travail » est une
simple réponse à la question : « où prendre des forces pour
lutter contre l’autocratie ? » (ailleurs : « nos révolutionnai
res considèrent le mouvement des ouvriers comme le meil
leur moyen de renverser l’autocratie »). Ouvrez le projet de
programme des social-démocrates russes publié par le
groupe « Libération du Travail » en 1885 et reproduit
par P. Axelrod dans sa brochure A propos des tâches et de
la tactique actuelles de la social-démocratie russe (Genève
1898), et vous verrez qu’à la base du programme figure la
libération complète du travail de l’oppression du capital,
la socialisation de tous les moyens de production, la prise
du pouvoir politique par la classe ouvrière, la formation
d’un parti ouvrier révolutionnaire. Il est clair que R.M.
dénature ce programme, qu’il ne veut pas le comprendre.
Il s’accroche aux paroles de P. Axelrod, au début de sa
brochure, où celui-ci dit que le programme du groupe
« Libération du Travail » « a été une réponse » à la question:
où prendre des forces pour lutter contre l’autocratie ? Mais
c’est pourtant un fait historique que le programme du grou
pe « Libération du Travail » fut une réponse à cette ques
tion posée à la fois par les révolutionnaires russes et par
l’ensemble du mouvement révolutionnaire de Russie. Et
si le. programme du groupe « Libération du Travail » a fourni
une réponse à cette question, est-ce à dire que le mouvement
ouvrier n’a été pour ce groupe qu’un moyen ? Cette « in
compréhension » de la part de R.M. prouve tout simplement
qu’il ignore des faits universellement connus concernant
l’activité du groupe « Libération du Travail ».
Poursuivons. Comment ce « renversement de l’autocra
tie » peut-il devenir la tâche des cercles ouvriers ? C’est ce
que B.M. ne comprend pas. Ouvrez le programme du groupe
a Libération du Travail » : « Le principal moyen de la
lutte politique des cercles ouvriers contre 4'absolutisme,
y est-il dit, est, aux yeux des social-démocrates russes, le
travail d’agitation au sein de la classe ouvrière, la diffu
sion persistante, dans ce milieu, des idées socialistes et
la multiplication des organisations révolutionnaires. Etroi
tement liées entre elles en un tout harmonieux et ne se bor
nant pas à des conflits partiels avec le gouvernement, ces
organisations saisiront le moment propice pour déclencher
contre lui une offensive générale et décisive. » Cette tacti
que, précisément, était celle des organisations russes qui,
au printemps 1898, fondèrent le « Parti ouvrier social-démo
crate de Russie ». Et elles ont fait la preuve que ces orga
nisations constituent en Russie une force politique im
portante. Si elles forment un seul parti et entreprennent
une vaste agitation contre le gouvernement absolu, en
utilisant à cette fin tous les éléments de l’opposition, libé
rale, la conquête de la liberté politique sera à coup sûr une
tâche réalisable pour un tel parti. Si les rédacteurs de la
Rabotchdia Mysl « risquent de ne pas le comprendre », nous
nous « risquons », quant à nous, à leur donner ce conseil :
instruisez-vous, messieurs, car par elles-mêmes ces choses
là ne sont pas du tout difficiles à comprendre.
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