Volume 04 pages 272-273
promulgue les lois, nomme les fonctionnaires, perçoit et dé
pense les deniers publics sans la moindre participation du
peuple à la législation et au contrôle de V administration.
L’autocratie, c’est donc l’arbitraire des fonctionnaires et
de la police et l’état d’asservissement du peuple. Le peuple
tout entier pâtit de cette absence de droits, mais les classes
possédantes (surtout les riches propriétaires fonciers et les
capitalistes) exercent une très forte influence sur les fonc
tionnaires. La classe ouvrière, elle, soullre doublement :
et de l’absence de droits dont tout le peuple russe est victi
me, et de l’oppression des ouvriers par les capitalistes qui
obligent le gouvernement à servir leurs intérêts.
Qu’est-ce donc que le renversement de l’absolutisme?
C’est la renonciation du tsar au pouvoir illimité ; l’octroi
au peuple du droit de choisir ses représentants pour légi
férer, pour contrôler l’activité des fonctionnaires, pour con
trôler la perception et la dépense des deniers publics. La
forme de gouvernement où le peuple participe à la législa
tion et à l’administration de l’Etat s’appelle la forme cons
titutionnelle du gouvernement (la Constitution est la loi
qui organise la participation des représentants du peuple
à la promulgation des lois et à la direction des allaires
publiques). Ainsi, le renversement de l’autocratie signifie
le remplacement de la lorme autocratique do gouverne
ment par la forme constitutionnelle. Par conséquent, pour
renverser l’autocratie, point n’est besoin de « renverser
la force en effectifs et s’emparer de la force économique » ;
ce qu’il faut, c’est obliger le gouvernement du tsar à re
noncer à son pouvoir absolu et à convoquer un zemski so
bor* formé de représentants du peuple pour établir une Cons
titution (« arracher une Constitution démocratique » (po
pulaire, faite dans l’intérêt du peuple), comme il est dit
dans le projet de programme des social-déinocratos russes,
publié en 1885, par le groupe « Libération du Travail »).
Pourquoi le renversement de l’autocratie doit-il être
la tâche première de la classe ouvrière russe ? Parce qu’en
régime autocratique la classe ouvrière ne peut développer
largement sa lutte, ne peut conquérir aucune position solide,
* Assemblée des états, Etats généraux. {N.R.)
ni dans le domaine économique ni dans le domaine politi
que ; elle ne peut créer de puissantes organisations de mas
se ni déployer devant toutes les masses laborieuses le
drapeau de la révolution sociale et leur apprendre à lutter
pour elle. C’est seulement dans un régime de liberté poli
tique que toute la classe ouvrière peut soutenir une lutte
décisive contre la classe bourgeoise ; et le but final de
cette lutte est la conquête du pouvoir politique par le pro
létariat et l’organisation par ce dernier de la société socia
liste. Cette conquête du pouvoir politique par le proléta
riat organisé, qui aura lait un long apprentissage de la
lutte, marquera réellement le « renversement de la iorce
en effectifs et la mainmise sur la force économique » du
gouvernement bourgeois. Mais celle prise du pouvoir n’a
jamais été définie par les social-démocrates russes comme
la tâche immédiate des ouvriers russes. Les social-démo
crates ont toujours dit que c’est seulement dans un régi
me de liberté politique et à travers une vaste lutte de masse
que la classe ouvrière russe saura créer les organisations
qui assureront cotte victoire définitive du socialisme.
Mais par quelle voie la classe ouvrière russe peut-elle
renverser l’autocratie ? Voyez donc comme les rédacteurs
de la Rabolchaïa Mysl essaient de tourner en dérision jus
qu’au groupe « Libération du Travail », qui a tondé la
social-démocratio russe et déclaré dans son programme
que « la lutte contre l’autocratie est une obligation, même
pour ceux des cercles ouvriers qui contiennent aujourd’hui
en germe le futur parti ouvrier russe ». La Rabolchaïa Mysl
(voir son n°7, ainsi que l’article examiné ici) trouve la chose
risible : le renversement de l’autocratie par des cercles
ouvriers ! Nous répondrons aux rédacteurs de la Rabolchaïa
Mysl : de qui vous moquez-vous ? De vous-mêmes ! Les
rédacteurs de la Rabolchaïa Mysl se plaignent que la polé
mique engagée contre eux par les social-démocrates russes
est dénuée de loule camaraderie. Laissons aux lecteurs le
soin de juger eux-mêmes de quel côté on mène une polémi
que dénuée de toute camaraderie : du côté des vieux so
cial-démocrates russes, qui ont nettement formulé leurs
idées et qui disent explicitement quelles sont les idées des
« jeunes » et pourquoi ils les tiennent pour erronées ; ou
bien du côté des « jeunes » qui, sans nommer leurs adver
18-2934