☭ Lénine : Œuvres complètes informatisées

| Éditions Communistus

Volume 04 pages 276-277

Mais revenons à R.M., que nous avons laissé à ses dis
sertations sur la lutte contre- l’autocratie. Son point do
vue personnel sur cette question illustre plus clairement
encore la tendance nouvelle, rétrograde, de la Rabolchàia
Mysl.

« La fin de l’autocratie est évidente », écrit R.M.,
« ...La lutte contre l’autocratie est, pour tous les éléments
vitaux de la société, l’une des conditions de leur sain
veloppement. » D’où il résulte peut-être, se dira le lecteur,
que la lutte contre l’autocratie est également une nécessité
pour la classe ouvrière. Non, attendez un peu. R.M. a une
logique et une terminologie bien à lui. Par le mot lutte, au
quel il ajoute le mot : « sociale », il entend quelque chose
de tout à fait particulier. Après avoir décrit V opposition
légale manifestée vis-à-vis du gouvernement par de nom
breuses couches de la population russe, R.M. conclut :
« En fait, la lutte pour l’autonomie administrative des zems
tvos104 et des municipalités, la lutte pour l’école publique,
la lutte pour l’aide publique aux aliamés, etc., c’est une
lutte contre l’autocratie. » « La nécessité de la lutte sociale
contre l’autocratie des fonctionnaires est évidente pour tou
tes les couches et tous les groupes conscients et progressifs
de la population. Plus encore. Cette lutte sociale, qui, par
un singulier malentendu, ne retient point l’attention bien
veillante de beaucoup d’écrivains révolutionnaires russes,
est déjà, comme nous l’avons vu, menée par la société rus
se, et cela ne date pas d’hier. » « La vraie question est
de savoir comment ces diverses couches sociales doivent...

mener cette » (notez bien cela !) « lutte contre l’autocratie
avec le maximum de succès... Et l’essentiel pour nous,
c’est de savoir comment nos ouvriers doivent mener cette
lutte sociale (!) contre l’autocratie»...

Ces raisonnements de R.M. accumulent une fois de plus
une quantité incroyable de confusions et d’erreurs.

Premièrement, R.M. confond l'opposition légale avec
la lutte contre l’autocratie, avec la lutte pour le renver
sement de l’autocratie. Cette confusion, impardonnable
pour un socialiste, il la commet en employant sans l’expli
quer l’expression « lutte contre l’autocratie » ; car cette
expression peut vouloir dire (sous toute réserve) la lutte
contre l’autocratie, 'mais peut signifier aussi la lutte contre

telles ou telles mesures de l’autocratie dans le cadre de ce
même régime autocratique.

Deuxièmement, en rattachant l’opposition légale à la
lutte sociale contre l’autocratie et en allirmant que nos
ouvriers doivent mener « cette lutte sociale », R.M. s’égare
jusqu’à prôner que nos ouvriers ne doivent pas mener une
lutte révolutionnaire contre l’autocratie, mais pratiquer
une opposition légale contre cette dernière, c’est-à-dire
qu’il verse dans un avilissement scandaleux de la social-démo
cratie qu’il confond avec le libéralisme russe le plus terre
à terre et le plus indigent.

Troisièmement, R. M. énonce une contrevérité flagrante
à propos des auteurs social-démocrates russes — (il est
vrai qu’il préfère, « en toute camaraderie », lancer des
reproches sans nommer personne. Mais s’il ne vise pas des
social-démocrates, ses paroles n’ont plus aucun sens), —
en prétendant qu’ils se désintéressent de l’opposition
gale. Bien au contraire, et le groupe « Libération du Tra
vail » et P. Axclrod en particulier, et le Manifeste du Parti
ouvrier social-démocrate de Russie, et la brochure : Les
tâches des social-démocrates russes (publiée par le « Parti
ouvrier social-démocrate de Russie » et qualifiée par Axel
rod de commentaire à ce Manifeste), tous se sont non seule
ment intéressés à l’opposition légale, mais ont élucidé
avec une précision absolue ses rapports avec la social
démocratie.
Mettons tout cela au point. Quel genre de « lutte contre
l’autocratie » mènent nos zemstvos, les sociétés libérales
en général, la presse libérale ? Mènent-ils une lutte contre
l’autocratie, pour le renversement de l’autocratie? Non,
cette lutte, ils ne la mènent pas et ne l'ont jamais menée.

Seuls la mènent les révolutionnaires, souvent issus de la
société libérale et s’appuyant sur les sympathies de cette
dernière. Mais mener la lutte révolutionnaire, ce n’est pas
du tout la même chose que sympathiser avec les révolution
naires et les soutenir ; la lutte contre l’autocratie n’est pas
du tout la même chose que l’opposition légale à l’autocra
tie. Les libéraux russes n’expriment leur mécontentement
à l’égard de l’autocratie que sous la forme autorisée par l’au
tocratie elle-même, autrement dit sous une forme que l’au
tocratie considère comme inoffensive en ce qui la concerne.