☭ Lénine : Œuvres complètes informatisées

| Éditions Communistus

Volume 04 pages 266-267

cette fusion, qui cherche à séparer artificiellement le mou
vement ouvrier et la social-démocratie en Russie, celui-là
est loin de servir la cause du socialisme ouvrier et du mou
vement ouvrier russe ; au contraire, il lui fait du tort.

Poursuivons. «Quant aux revendications se situant
sur un plan plus vaste, aux revendications politiques,
écrit R. M.. c’est seulement dans celles des tisserands de
Pétersbourg... en 1897, que nous trouvons le premier cas,
encore peu conscient d’ailleurs, où nos ouvriers aient for
mulé de larges revendications politiques de ce genre. >
Nous devons répéter une lois de plus que cela est absolu
ment faux. En s’exprimant de la sorte, la rédaction de la
Rabotchaïa Mysl lait preuve, 1° d’un oubli, impardonnable
pour un social-démocrate, de l’histoire du mouvement
révolutionnaire et ouvrier russe, et 2° d’une conception
impardonnablcment étroite de la cause ouvrière. Do larges
revendications politiques ont été formulées par les ouvriers
russes, aussi bien dans le tract du mois de mai de l'Union
de lutte de Saint-Pétersbourg en 1898, que dans les jour
naux Sancl-Pétersbourgski Rabot ch i Listok et Rabotchaïa
Gazéta, laquelle a été reconnue en 1898 par les organisations
d’avant-garde des social-démocratos russes comme l’or
gane officiel du « Parti ouvrier social-démocrate de Rus
sie ». Dédaignant ces laits, la Rabotchaïa Mysl lait marche
arrière et justifie pleinement l’opinion suivant laquelle
elle ne représente pas les ouvriers avancés, mais les cou
ches inférieures, peu développées, du prolétariat (R. M.

indique hii-meme dans son article que le fait a déjà été
signalé à la Rabotchaïa Mysl). Les couches intérieures du
prolétariat ignorent l’histoire du mouvement révolution
naire russe, et R. M. ne le connaît pas davantage. Les
couches inférieures du prolétariat ne comprennent pas le
rapport qui existe entre le mouvement ouvrier et la social
démocratie, et R. M. ne le comprend pas non plus. Pour
quoi, dans les années 90, les ouvriers russes n’ont-ils pas
formé d’organisations autres que celles des socialistes,
comme ils l’ont lait dans les années 70 ? Pourquoi n’ont
ils pas formulé leurs propres revendications politiques,
sans laire état des socialistes ? R. M. croit sans doute l’ex
pliquer en disant que « les ouvriers russes sont encore fort
peu préparés à cela » (page 5 de son article) ; mais, par cette

explication, il ne fait que démontrer une fois de plus qu’il
n’a le droit de parler qu’au nom des couches inlérieures
du prolétariat. Lors du mouvement des années 90, les cou
ches ouvrières inlérieures n’avaient pas conscience de son
caractère politique. Néanmoins, tout le monde sait (et
R. M. le dit lui-même) que le mouvement ouvrier des an
nées 90 a eu une grande portée politique. Cela, parce que le
caractère du mouvement avait été déterminé, comme par
tout et comme toujours, par les ouvriers avancés et la masse
ouvrière les suivait parce qu’ils s’étaient montrés à ses
yeux prêts et aptes à servir la cause ouvrière, et qu’ils
avaient su gagner sa confiance absolue. Or, ces ouvriers
avancés étaient des social-démocrates ; beaucoup d’entre
eux avaient même participé personnellement à ces discus
sions entre partisans de la « Narodnaïa Volia » et social
démocrates, qui ont marqué le passage du mouvement
volutionnaire russe de la phase du socialisme paysan et
conspirateur au socialisme ouvrier. On comprend 'mainte
nant pourquoi ces ouvriers avancés no se sont pas séparés
des socialistes et des révolutionnaires pour former des orga
nisations distinctes. Celte séparation avait sa raison d’être
et était nécessaire à l’époque où le socialisme voulait se
démarquer du mouvement ouvrier. Elle devenait impossible
et absurde dès lors que les ouvriers avancés avaient al faire
à un socialisme ouvrier et à des organisations social-démo
crates. La fusion, des ouvriers avancés avec les organisations
social-démocrates était tout à fait naturelle et inévitable.

Elle apparut comme le résultat de ce lait historique capital
qu’a constitué la conjonction, dans les années 90, de deux
profonds mouvements sociaux en Russie : l’un spontané,
le mouvement populaire dans la classe ouvrière; l'autre’
le mouvement de la pensée sociale vers la théorie de Marx
et d’Engels, vers la doctrine de la social-démocratie.

On va voir par ce qui suit quelle conception infiniment
étroite la Rabotchaïa Mysl se fait de la lutte politique.

Parlant des larges revendications politiques, R. M. écrit :
« Or, pour que cette lutte politique puisse être menée par
les ouvriers en pleine conscience et en toute indépendance,
il faut qu’elle soit l’œuvre des organisations ouvrières
elles-mêmes, que ces revendications politiques des ouvriers
s’appuient sur la conscience de leurs besoins politiques