Volume 04 pages 264-265
ment révolutionnaire en Russie, ni les tâches politiques de
la classe ouvrière russe. « L’indice le plus caractéristique
de l’orientation de notre mouvement,, écrit 7?. 71/., ce sont
naturellement les revendications présentées par les ou
vriers. » Nous demandons : pourquoi alors ne range-t-on
pas parmi les indices de notre mouvement les revendications
des social-démocrates et des organisations social-démocrates ?
Pour quelle raison R. M. sépare-t-il les revendications
ouvrières de celles des social-démocrates russes ? Or, il
maintient cette séparation d’un bout à l’autre de son ar
ticle, comme la rédaction de la Rabotchaïa Mysl le fait
d’ailleurs elle-même dans chaque numéro de son journal.
Pour expliquer cette erreur de la Rabotchaïa Mysl, il nous
faut élucider la question générale des rapports du socialisme
avec le mouvement ouvrier. Dans tous les pays d’Europe
occidentale, le socialisme et le mouvement ouvrier ont
d’abord existé indépendamment l’un de l’autre. Les ouvriers
luttaient contre les capitalistes, organisaient des grèves et
montaient des associations, cependant que les socialistes se
tenaient à l’écart du mouvement ouvrier et créaient des
théories qui critiquaient l’actuel régime capitaliste, le ré
gime bourgeois, et réclamaient son remplacement par un
autre régime social d’un ordre supérieur, le régime socia
liste. La séparation entre le mouvement ouvrier et le so
cialisme faisait que l’un et l’autre étaient faibles, peu dé
veloppés : les doctrines socialistes, non fusionnées avec la
lutte ouvrière, restaient simplement des utopies, de pieux
souhaits sans effet sur la vio réelle ; le mouvement ouvrier
demeurait axé sur des détails, fragmenté, n’acquérait pas
d’importance politique, n’était pas éclairé par la science
d’avant-garde de son temps. Aussi constatons-nous que,
dans tous les pays européens, s’est manilestée une tendance
de plus en plus marquée à fusionner le socialisme et le mou
vement ouvrier au sein d’un mouvement social-démocrate
unique. Par suite de cette fusion, la lutte de classe des
ouvriers devient une lutte consciente du prolétariat pour
s’affranchir de l’exploitation dont il est l‘objet de la part des
classes possédantes ; en même temps, il s’élabore une forme
supérieure du mouvement ouvrier socialiste : le parti
ouvrier social-démocrate indépendant. L’orientation du so
cialisme vers la fusion avec le mouvement ouvrier est le
principal mérite de K. Marx et do F. Engels : ils ont créé
une théorie révolutionnaire qui a expliqué la nécessité de
cette lusion et qui a lait un devoir aux socialistes d'orga
niser la lutte de classe du prolétariat.
Il eu a été de même exactement en Russie. Chez nous
aussi le socialisme est resté très longtemps, des dizaines et
des dizaines d’années durant, à l'écart de la lutte des ou
vriers contre les capitalistes, des grèves ouvrières, etc. D’une
part, les socialistes ne comprenaient pas la théorie de Marx,
la considérant comme inapplicable à la Russie ; d’autre
part, le mouvement ouvrier russe se trouvait encore dans
un état tout à lait embryonnaire. Lorsque se constituèrent,
en 1875, l’« Union desouvriers de la Russie du Sud », et en
1878 l’« Union des ouvriers russes du Nord », ces organi
sations ouvrières se tinrent à l’écart des socialistes russes ;
elles réclamaient dos droits politiques pour le peuple et
voulaient engager la lutte pour ces droits, tandis que les
socialistes russes considéraient bien à tort, à cette époque,
la lutte politique comme une dérogation au socialisme.
Mais les socialistes russes n’ont pas persisté dans leur théo
rie non évoluée, erronée. Ils ont progressé, ils ont adopté
la doctrine de Marx et élaboré en l’appliquant à la Russie
la théorie du socialisme ouvrier, la théorie des social-dé
mocrates russes. La londation de la social-démocratie
russe est le principal mérite du groupe « Libération du
Travail », de Plékhanov, d’Axelrod et de leurs amis *.
Depuis la londation de la social-démocratie russe (1883),
le mouvement ouvrier russe s’est, à chacune de ses larges
manifestations, ne llement rapproché des social-démocrates
russes, tendant à fusionner avec eux. La londation du
« Parti ouvrier social-démocrate de Russie » (au printemps
de 1898) marque un pas immense vers cette lusion. A l’heure
actuelle, la tâche principale de tous les socialistes russes
et de tous les ouvriers russes conscients est de consolider
cette fusion, de renforcer et d’organiser définitivement le
« Parti ouvrier social-démocrate ». Celui qui méconnaît
♦ La fusion du socialisme russe et du mouvement ouvrier russe
a été étudiée, du point de vue historique, dans la brochure d’un de
nos camarades : Le drapeau rouge en Russie. Essai sur l'histoire du
mouvement ouvrier russe. Cette brochure paraîtra incessamment102.