Volume 04 pages 262-263
UN MOUVEMENT RETROGRADE DANS
LA SOCIAL-DEMOCRATIE RUSSE
La rédaction de la Rabotchaïa Mysl a publié un «Sup
plément spécial » à ce journal (septembre 1899), afin de
« dissiper toute cette foule de malentendus et d’impréci
sions qui existent au sujet de l’orientation de la Rabotchaïa
Mysl (comme la « négation » par nous de la « politique »,
par exemple) ». (Note de la rédaction.) Nous sommes très
heureux de voir la Rabotchaïa Mysl poser enfin ouvertement
les questions de programme, dont elle paraissait ne pas
vouloir entendre parler jusqu’ici ; mais nous nous élevons
résolument contre l’affirmation suivant laquelle «l’orien
tation de la Rabotchaïa Mysl est celle des ouvriers russes
d’avant-garde » (comme le déclare la rédaction dans le
texte cité). Non, si la rédaction de la Rabotchaïa Mysl veut
suivre la voie qui s’ébauche (elle ne lait pour le moment
que s'ébaucher} dans la publication quo nous venons de
citer, cela veut dire qu’elle comprend mal le programme
élaboré par les fondateurs do la social-démocratie russe
et suivi, jusqu’ici, par tous les social-démocrates russes
qui ont milité en Russie ; cela veut dire qu’elle fait un
pas en arrière par rapport au degré de développement théo
rique et pratique déjà atteint par la social-démocratie russe.
L’orientation de la Rabotchaïa Mysl est exposée dans
l’article liminaire du «Supplément spécial»: «Notre
actualité » (signé R. M.)> article que nous allons analyser
minutieusement.
Il apparaît dès le début que R. M. dépeint sous un jour
entièrement faux « notre situation actuelle » en général et
notre mouvement ouvrier en particulier ; qu’il manifeste
une incroyable étroitesse dans sa façon de concevoir le
UN MOUVEMENT RETROGRADE DANS LA S.-D. RUSSE
mouvement ouvrier et une tendance à fermer les yeux sur les
formes supérieures que celui-ci a déjà élaborées sous la direc
tion dessocial-démocrates russes. En effet : « notre mouvement
ouvrier, dit R. M. au début même de son article, porte en
germe des formes extrêmement varices d’organisation»,
depuis les associations constituées à l’occasion dos grèves
jusqu’aux sociétés légales (autorisées par la loi). Et rien
de plus ? demandera le lecteur étonné. R. M. n’aurait-il
vraiment pas remarqué en Russie de formes d’organisations
supérieures, plus avancées, du mouvement ouvrier ? De
toute évidence, il ne veut pas les voir, puisque à la page
suivante il répète cette thèse sous une forme plus catégori
que encore. « Actuellement, les tâches du mouvement, la
véritable cause ouvrière des ouvriers russes, dit-il, se rédui
sent à l’amélioration par les ouvriers do leur propre situa
tion en usant de tous les moyens possibles», et l’énumé
ration de ces moyens ne comprend une fois de plus que les
organisations de grève et les sociétés légales ! Ainsi, le mou
vement ouvrier russe se réduirait aux grèves et aux socié
tés légales ! Mais c’est là une contrevérité flagrante !
Depuis vingt ans déjà le mouvement ouvrier russe a fondé
une organisation plus large, a formulé des tâches plus vastes
(dont nous parlerons tout à l’heure plus en détail). Le mou
vement ouvrier russe a créé des organisations comme les
que le mouvement ouvrier juif a « un caractère politique à
part », qu’il constitue une exception. Mais c’est là encore
une contrevérité, car si l’Union ouvrière juive était une
organisation « à part », elle n'aurait pas fusionne avec di
verses organisations russes pour former le « Parti ouvrier
social-démocrate do Russie ». La fondation de ce parti
est un progrès immense du mouvement ouvrier russe dans
sa fusion avec le mouvement révolutionnaire russe. Ce pro
grès a montré clairement que le mouvement ouvrier russe
ne se réduit pas aux grèves et aux sociétés légales. Comment
a-t-il pu se faire que les socialistes russes qui collaborent
à la Rabotchaïa Mysl ne veuillent pas voir ce progrès et se
refusent à en comprendre la portée?
Cela tient à ce que R. M. ne comprend ni les rapports
du mouvement ouvrier russe avec le socialisme et le mouve-