☭ Lénine : Œuvres complètes informatisées

communs et sur les intérêts du moment » (notez bien cola !),
« que ces revendications soient celles des organisations
ouvrières (corporatives) elles-mêmes, qu’elles soient réel
lement établies en commun et proclamées également en
commun par ces organisations ouvrières, de leur propre
initiative»... Et l’on explique ensuite que les revendica
tions politiques générales les plus pressantes des ouvriers
restent encore pour le moment (1 !) la journée de 10 heures
et le rétablissement des lêles abolies par la loi du
2/VI/1897 103. Et après cela la rédaction de la Rabotchaïa
Mysl va encore s’étonner qu’on l’accuse de nier la politi
que ! Mais est-ce que réduire ainsi la politique à la lutte
des associations corporatives pour telles ou telles rélormes
particulières ne revient pas à nier la politique ? N’est-ce
point là renier le principe essentiel de la social-démocratie
mondiale, suivant lequel les social-démocratcs doivent ten
dre à organiser la lutte de classe du prolétariat en partis
ouvriers politiques indépendants, combattant pour la
démocratie considérée comme le moyen, pour le prolétariat,
de conquérir le pouvoir politique et d’instaurer la société
socialiste ? Nos modernes falsificateurs de la doctrine
social-démocrate jettent par-dessus bord avec une légèreté
incroyable tout ce qui est cher aux social-démocrates, tout
ce qui autorise à voir dans le mouvement ouvrier un mou
vement historique mondial. Pou leur importe que l’expé
rience séculaire du socialisme européen et de la démocratie
européenne enseigne la nécessité de travailler à la création
de partis politiques ouvriers indépendants. Peu leur importe
que l’histoire du mouvement révolutionnaire russe soit
arrivée, par de longs et laborieux ellorts, à réaliser la fusion
du socialisme et du mouvement ouvrier, la fusion dos grands
idéals sociaux et politiques avec la lutte de classe du pro
létariat. Peu leur importe que les ouvriers russes avancés
aient déjà jeté les fondements du « Parti ouvrier social
démocrate de Russie ». Foin de tout cela ! Débarrassons
nous de ce bagage idéologique trop vaste et d’une expé
rience historique trop lourde et trop exigeante, et qu’« il
ne reste pour le moment » que les associations corporatives
(dont rien ne prouve encore qu’on puisse les créer en Rus
sie, à moins qu’il ne s’agisse de sociétés légales), que ces
associations corporatives établissent « de leur propre ini-

tiative » leurs revendications, 'revendications « du mo
ment », revendications pour de petites et minuscules réfor
mes ! ! Qu’est-ce à dire ? N’est-ce pas tout bonnement prê
cher un mouvement rétrograde ! N’est-ce pas préconiser,
purement et simplement, la destruction du socialisme !

Remarquez bien que la Rabotchaïa Mysl ne se borne pas
à proposer que les organisations locales élaborent elles
mêmes les lormes locales de lutte, les sujets et procédés
particuliers d’agitation, etc., ce à quoi personne ne trouve
rait aucune objection à laire. Jamais les social-démocrates
russes n’ont lorinulé de prétentions d’aucune sorte ten
dant à restreindre sous ce rapport l’indépendance des ou
vriers. Non, la Rabotchaïa Mysl entend complètement re
fouler les grandes tâches politiques qui incombent au pro
létariat russe et s’en tenir « pour l’heure » « uniquement »
aux « intérêts du moment ». Jusqu’ici, les social-démocra
tes russes voulaient, en s’appuyant sur chaque revendica
tion du moment et en menant une agitation en sa faveur,
organiser le prolétariat pour la lutte contre l’autocratie,
considérée comme l’objectif immédiat. Aujourd’hui, la
Rabotchaïa Mysl entend limiter la lutte du prolétariat à
une lutte do détail pour des revendications de détail. Sa
chant lort bien qu’il s’écarte des conceptions de toute la
social-démocratie russe, R. M. lait la réponse suivante aux
accusateurs de la Rabotchaïa Mysl. On dit que le renverse
ment du tsarisme est la tâche immédiate du mouvement
ouvrier russe. Mais de quel mouvement ouvrier ? demande
R. M., « du mouvement gréviste ? des sociétés de secours
mutuels? des cercles ouvriers? » (p. 5 de l’article). A cela
nous lui répondrons : parlez en votre nom, au nom de
votre groupe, au nom des couches inlérieures du proléta
riat d’une localité donnée dont ce groupe est le représen
tant, mais ne prétendez pas parler au nom des ouvriers
russes d’avant-garde ! Les représentants des couches inté
rieures du prolétariat ignorent souvent que seul un parti
révolutionnaire est capable de mener la lutte pour le renver
sement de l’autocratie. R. M. l’ignore aussi. Mais les
ouvriers russes d’avant-garde le savent. Les représentants
des couches inlérieures du prolétariat ignorent souvent
que le mouvement ouvrier russe ne se borne pas à la lutte gré
viste, aux sociétés de secours mutuels et aux cercles ouvriers,