Volume 04 pages 256-257
(prestations de travail) a été nettement établie dans diffé
rents ouvrages, de même que le retard considérable apporté
au développement social (et au développement du capi
talisme) par ce vestige. Certes, l’évolution du capitalisme
conduit et entraînera en fin de compte « elle-même, tout
naturellement», l’abolition de ces survivances; mais
d’abord ces dernières sont d’une vitalité extrême, de sorte
qu’on ne peut escompter leur disparition rapide ; en second
lieu, et c’est là l’essentiel, « tout naturellement » ne si
gnifie rien d’autre que le dépérissement de la paysannerie
qui est en fait (par suite des prestations de travail, etc.)
attachée à la glèbe et asservie aux grands propriétaires
fonciers. Il va de soi que les social-démocrates ne peuvent,
dans ces conditions, passer sous silence cette question
dans leur programme. On nous demandera : comment cette
revendication pourrait-elle aboutir ? Nous croyons inutile
d’en parler dans le programme. Bien entendu, cet aboutis
sement (qui dépend, comme presque tous les autres de
cette section, de la force des éléments révolutionnaires de
la paysannerie) exigera que les conditions locales soient
examinées en détail par des comités paysans élus sur place,
comme contrepoids aux comités des nobles98 qui ont con
sommé leur vol « légal » des années 60 ; les revendications
démocratiques du programme définissent suffisamment
les institutions démocratiques nécessaires à cet effet. Ce
serait précisément la « révision radicale des rapports
agraires» dont fait état le programme du groupe « Libération
du Travail ». Comme on l’a dit plus haut, nous sommes
d’accord en principe avec ce point du projet, et nous vou
drions seulement : 1) spécifier les conditions dans lesquel
les le prolétariat peut lutter pour les intérêts de classe de
la paysannerie ; 2) déterminer le caractère de la révision :
suppression des vestiges du servage ; 3) formuler les reven
dications de façon plus concrète. Nous prévoyons encore
une objection : la révision de la question relative aux
otrezki, etc., doit amener la restitution de ces terres aux
paysans. Voilà qui est clair. Mais cela ne renforcera-t-il
pas la petite propriété, la petite parcelle ? Les social-dé
mocrates peuvent-ils souhaiter le remplacement de la grande
économie capitaliste — qui se pratique peut-être sur les
terres volées aux paysans — par la petite économie ? Ne
serait-ce pas une mesure réactionnaire ? Nous répondons :
nul doute que le remplacement de la grande exploitation
par la petite est réactionnaire, et nous ne devons pas le
préconiser. Mais la revendication envisagée est conditionnée
par ce but : « supprimer les vestiges du servage », elle ne
peut donc aboutir au morcellement des grandes exploita
tions ; elle ne concerne que les vieilles exploitations essen
tiellement basées sur la corvée ; par rapport à elles, l’exploi
tation paysanne a!franchie de toutes les entraves moyenâ
geuses (voir paragraphe 3) n'est pas réactionnaire, mais
progressive. Certes, il n’est pas facile de tracer ici une ligne
de démarcation, mais nous ne pensons nullement qu’une
revendication quelconque de notre programme soit « fa
cile » à réaliser. Notre rôle est de fixer les principes fonda
mentaux et les tâches fondamentales ; quant aux détails,
ceux-là y songeront qui auront à exécuter pratiquement
ces tâches.
Le dernier point vise au même but que le précédent :
la lutte contre tous les vestiges (si nombreux dans la cam
pagne russe) du mode de production précapitaliste. Comme on
le sait, l’ai fermage paysan en Russie ne dissimule très
souvent que la survivance des rapports basés sur la corvée.
Nous avons emprunté l’idée de ce dernier point à Kautsky.
Celui-ci ayant montré que, pour l’Irlande, le ministère libé
ral de Gladstone avait promulgué en 1881 une loi conférant
aux tribunaux le droit de réduire les prix de fermage exces
sifs, a inscrit parmi les revendications souhaitables celle
énoncée ci-après : « La réduction des fermages excessifs
par des institutions judiciaires créées à cet effet » (Redu
zierung übermassiger Pachtzinsen durch dazu eingesetzte
Gerichtshôle). La chose serait particulièrement utile en
Russie (à la condition, bien entendu, que ces tribunaux
soient organisés démocratiquement) pour supprimer les
rapports basés sur la corvée. Nous pensons que l’on pourrait
y ajouter une autre revendication, celle d’étendre les lois
sur l’usure aux marchés asservissants : dans les campagnes
russes, l’asservissement est tellement répandu, pèse si
lourdement sur le paysan en tant qu ouvrier, il retarde si
énormément le progrès social, que la lutte contre lui est
particulièrement nécessaire. Or, il ne serait évidemment
pas plus dillicile au tribunal d’établir le caractère asservis
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