☭ Lénine : Œuvres complètes informatisées

| Éditions Communistus

Volume 04 pages 252-253

priétaires fonciers, que ces vestiges soient la conséquence
de lois et d’institutions particulières (par exemple, la con
dition des paysans et des ouvriers dans les régions minières
et métallurgiques de l’Oural) ou du fait que les terres pay
sannes et seigneuriales n’ont pas encore été délimitées
(par exemple, les vestiges des servitudes 95 dans les régions
de l’Ouest), ou encore du fait que le découpage de terres pay
sannes au profit des grands propriétaires fonciers place
pratiquement les paysans dans la situation sans issue des
anciens paysans corvéables.

5° Le droit pour les paysans de réclamer par autorité
de justice une réduction des prix de fermage excessifs
et de poursuivre pour cause d’usure les propriétaires fon
ciers et en général tous ceux qui, profitant de la misère des
paysans, passent ^avec ‘ ces derniers des contrats asser
vissants. »
Les motifs de cette proposition appellent un examen
particulièrement minutieux, non pas que cette partie du
programme soit la plus importante, mais parce qu’elle est
la plus discutable et la plus éloignée des vérités générale
ment établies et reconnues par tous les social-démocrates.

Le préambule au sujet du « soutien » (conditionnel) accor
à la paysannerie nous paraît indispensable, car le prolé
tariat ne peut ni ne doit, en principe, prendre sur lui de
défendre les intérêts de la classe des petits patrons ; il peut
seulement la soutenir dans la mesure ou elle est révolution
naire. Et comme c’est l’autocratie qui incarne à l’heure
actuelle tout le retard de la Russie, tous les vestiges du
servage, de la servitude et de l’oppression « patriarcale»,
il est nécessaire d’indiquer que le parti ouvrier ne soutient
la paysannerie que dans la mesure où elle est capable de
mener une lutte révolutionnaire contre U autocratie. Cette
thèse semble être exclue par celle du projet de la « Libé
ration du Travail », à savoir : « Le principal appui de
l’absolutisme réside précisément dans l’indilférence poli
tique et le retard intellectuel de la paysannerie. » Mais
cette contradiction relève, de la vie elle-même et non de
la théorie, car la paysannerie (comme d’ailleurs la classe
des petits patrons en général) se distingue par un caractère
double. Sans reprendre les arguments politico-économiques
connus, qui montrent les contradictions internes de la
Projet de programme pour notre parti

paysannerie, rappelons la caractéristique de la paysannerie
française au début des années 50 donnée par Marx :
...« La dynastie des Bonaparte ne représente pas le pay
san révolutionnaire, mais le paysan conservateur ; non pas
le paysan qui veut se libérer de ses conditions d’existence
sociale représentées par la parcelle, mais le paysan qui
veut, au contraire, les renforcer ; non pas le peuple cam
pagnard qui veut, par son énergie, renverser la vieille
société, en collaboration étroite avec les villes, mais, au
contraire, celui qui, étroitement confiné dans ce vieux
régime, veut être sauvé et avantagé, lui et sa parcelle, par
le fantôme de l'Empire. La dynastie des Bonaparte ne re
présente pas le progrès, mais la foi superstitieuse du paysan,
non pas son jugement, mais son préjugé, non pas son ave
nir, mais son passé, non pas ses Cévennes, mais sa Ven
dée. » (fier 18 Brumaire, S. 99 9C.) Le parti ouvrier doit
soutenir précisément la paysannerie qui tend à renverser
le « vieux régime », c’est-à-dire, en Russie, avant tout et
par-dessus tout l’autocratie. Les social-démocrates russes
ont toujours affirmé la nécessité de dégager de la doctrine
et de la tendance du populisme son côté révolutionnaire et
de l’adopter. Dans le programme du groupe « Libération
du Travail », cela s’exprime non seulement par la reven
dication citée plus haut de la « révision radicale », etc.,
mais encore par ce qui suit : « Il va de soi, d’ailleurs, que
même aujourd’hui, ceux qui sont en contact direct avec la
paysannerie pourraient, par leur activité en son sein, rendre
un signalé service au mouvement socialiste de Russie.

Loin de repousser ces hommes, les social-démocrates s’ap
pliqueront de leur mieux à s’entendre avec eux quant aux
principes fondamentaux et aux méthodes de leur activité. »
Il y a quinze ans, lorsque les traditions du populisme
volutionnaire étaient encore vivantes, une telle déclara
tion suffisait ; mais aujourd’hui nous devons commencer
nous-mêmes la discussion des « principes fondamentaux de
l’activité » au sein de la paysannerie, si nous voulons que
le parti ouvrier social-démocrate devienne le combattant
d’avant-garde de la démocratie.

Toutefois, les revendications que nous formulons ne
conduisent-elles pas à soutenir non les paysans eux-mêmes,
mais leur propriété, à consolider la petite économie, et