Volume 04 pages 240-241
objections des libéraux bourgeois et des social-poliliciens
contre la « théorie de la paupérisation ». A notre avis, la
polémique engagée à ce propos a prouvé amplement Vin
consistance totale de ce genre de «critique ». Bernstein a lui
même reconnu la justesse de ces paroles de Marx en tant
que caractéristique de la tendance du capitalisme, laquelle
devient réalité en l’absence de la lutte de classe du prolé
tariat contre cette tendance, en l’absence de lois —con
quises par la classe ouvrière —sur la protection de cette
dernière. C’est en Russie, précisément, que nous voyons
aujourd’hui ce phénomène se maniicster avec une lorce
énorme aux dépens de la paysannerie et des ouvriers. Et
puis, Kautsky a montré que les paroles sur la « croissance
de la misère, etc. », sont justes non seulement en ce sens
qu’elles caractérisent une tendance, mais encore parce
qu’elles marquent l’aggravation de la «misère sociale»,
c’est-à-dire de la disproportion entre la situation du prolé
tariat et le niveau de vie de la bourgeoisie, — le niveau
des besoins sociaux qui augmentent parallèlement au gi
gantesque progrès de la productivité du travail. Enfin,
ces paroles sont justes en ce sens que, « dans les régions
frontières » du capitalisme (c’est-à-dire dans les pays et
dans les branches de l’économie nationale où le capitalisme
ne fait encore qu’apparaître, se heurtant à l’ordre précapi
taliste), l’aggravation de la misère —non seulement de
la misère « sociale », mais aussi de la plus terrible misère
physique, la famine et la mort qui s’ensuit —prend de vastes
proportions. Chacun sait que cela est dix fois plus vrai de
la Russie que de tout autre pays d’Europe. Notre avis est
donc qu’il est indispensable d’inclure dans le programme
les mots sur la « croissance de la misère, de l’oppression,
de l’esclavage, de la dégradation, de l’exploitation»,
premièrement parce qu’ils caractérisent très justement les
traits fondamentaux et essentiels du capitalisme, qu’ils
font ressortir très précisément le processus qui se déroule
sous nos yeux et qui est une des principales conditions en
gendrant le mouvement ouvrier et le socialisme en Russie ;
deuxièmement, parce que ces mots offrent une très riche
matière à la propagande en exprimant les faits les plus
accablants pour les masses ouvrières, mais aussi qui les
révoltent le plus (chômage, bas salaires, sous-alimenta-
lion, famines, discipline draconienne du capital, prosti
tution, augmentation du nombre des domestiques, etc., etc.) ;
troisièmement, parce que cette caractéristique précise de
l’action désastreuse exercée par le capitalisme et de la ré
volte nécessaire, inéluctable, des ouvriers nous permettra
de nous séparer de ces gens indécis qui, «sympathisant»
avec le prolétariat, et revendiquant des « réiormes » en
sa faveur s’elforcent de tenir le « juste milieu » entre le
prolétariat et la bourgeoisie, entre le gouvernement auto
cratique et les révolutionnaires. Or, il importe au plus
haut point, précisément à l’heure actuelle, de se séparer
de ces gens si l’on veut former un parti ouvrier uni et for
tement organisé, menant une lutte résolue et irréductible
pour la liberté politique et pour le socialisme.
11 faut dire ici quelques mots sur notre attitude à l’égard
du programme d’Eriurt. Par ce qui précède, chacun a déjà
pu voir que nous jugeons nécessaire d’apporter au projet
du groupe « Libération du Travail » des modiiications rap
prochant le programme des social-démocrates russes de celui
des social-démocrates allemands. Nous ne craignons nulle
ment de dire que nous voulons imiter le programme d’Er
furt : imiter ce qui est bien n’a rien de répréhensible, et
aujourd’hui surtout, alors qu’on entend si souvent adresser
des critiques opportunistes et équivoques à ce programme,
nous estimons de notre devoir de nous prononcer ouverte
ment en sa laveur. Mais imiter ne veut pas du tout dire
copier purement et simplement. Imiter et emprunter est
tout à lait légitime dans la mesure où nous constatons en
Russie les mêmes processus fondamentaux du développe
ment du capitalisme, les mêmes tâches fondamentales des
socialistes et de la classe ouvrière ; mais on ne saurait en
aucun cas oublier les particularités de la Russie, qui doi
vent trouver leur expression intégrale dans les particula
rités de notre programme. Par anticipation, indiquons
tout de suite qu’il s’agit d’abord de nos tâches politiques et
de nos moyens de lutte, ensuite de l’action contre toutes
les survivances du régime patriarcal, précapitaliste, et,
partant, de la manière spécifique de poser la question
paysanne.
Cette réserve indispensable étant faite, poursuivons.
Après l’indication sur la « croissance de la misère » doit
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