Volume 04 pages 224-225
matière d’activité révolutionnaire et clandestine (nous re
connaissons sans aucune hésitation cette nécessité) ne nous
dispense nullement de l’obligation de les considérer avec
un esprit critique et de créer par nous-mêmes notre organi
sation.
Deux questions essentielles se posent à ce propos avec
une force particulière : 1) Comment concilier la nécessité
d’une entière liberté de l’action social-démocrate locale
avec celle de former un parti unifié et, par conséquent, cen
tralisé ? La social-démocratie puise toute sa force dans le
mouvement ouvrier spontané, qui ne se manifeste ni de la
même manière ni simultanément dans les différents centres
industriels ; l’activité des organisations social-démocrates
locales est le fondement de toute l’activité du Parti. Mais
s’il s’agit de l’action d’« artisans» isolés, on ne pourra
même pas, strictement parlant, l’appeler social-démocrate,
car elle n’organisera ni no dirigera la lutte de classe du pro
létariat. 2) Comment concilier l’aspiration de la social-dé
mocratie à devenir un parti révolutionnaire s’assignant com
me objectif majeur la lutte pour la liberté politique avec
le fait qu’elle se refuse catégoriquement à organiser dos
complots politiques, à « appeler les ouvriers sur les barrica
des » (d’après la juste expression do P. Axolrod), ou plus
généralement à imposer aux ouvriers tel ou tel «plan» d’at
taque contre le gouvernement, imaginé par quelque groupe
de révolutionnaires ?
La social-démocratie russe est pleinement en droit d’af
firmer qu’elle a donné une solution théorique à ces ques
tions ; s’arrêter là-dessus serait répéter ce qui a déjà été
dit dans l’article intitulé « Notre programme ». Il s’agit
maintenant de leur solution pratique. Celle-ci ne saurait
être fournie par une personne ou par un groupe, mais
par l’activité organisée de toute la social-démocratie. Nous
pensons qu’à l’heure actuelle, la tâche la plus urgente est
de s’attacher à résoudre ces problèmes, et que nous devons
à cette fin nous assigner pour objectif immédiat la mise
sur pied d'un organe du Parti paraissant régulièrement et
étroitement lié à tous les groupes locaux. Nous pensons
que l’activité des social-démocrates dans son ensemble
doit être orientée dans ce sens pendant toute la pério
de à venir. Sans un tel organe, le travail des organisations
locales restera étroitement « artisanal ». La création du Par
ti, — s’il n’est pas représenté convenablement par un orga
ne déterminé — demeurera dans une grande mesure lettre
morte. Une lutte économique qui n’est pas uniliée par un
organe central ne peut devenir la lutte de classe de l’ensem
ble du prolétariat russe. Il est impossible de mener la lutte
politique si le Parti tout entier ne peut pas se prononcer sur
toutes les questions politiques et guider les diverses mani
festations de la lutte. On ne saurait organiser les forces révo
lutionnaires, les discipliner et développer la technique de
l’action révolutionnaire que si toutes ces questions sont dis
cutées dans un organe central, si l’on élabore collectivement
certaines formes et règles d'organisation du travail, si la res
ponsabilité de chaque membre du Parti devant le Parti tout
entier est établie par l’intermédiaire d’un organe central.
En alfirmant la nécessité de concentrer toutes les forces
du Parti — publicistes, organisateurs, ressources maté
rielles, etc.— en vue de créer et de diriger convenablement
l’organe de l’ensemble du Parti, nous ne songeons nulle
ment à reléguer au second plan les autres formes d’activité,
comme l’agitation locale, les manifestations, le boycottage,
la chasse aux mouchards, les campagnes contre tels ou tels
représentants de la bourgeoisie et du gouvernement, les
grèves démonstratives, etc., etc. Au contraire, nous sommes
convaincus que toutes ces formes d’activité constituent le
fondement de l’activité du Parti ; mais si elles ne sont pas
uniliées par l’organe du Parti tout entier, toutes ces formes
de la lutte révolutionnaire perdent les neuf dixièmes de leur
portée, ne contribûent pas à acquérir l’expérience générale
du Parti, à créer des traditions et une continuité d’action
dans le Parti. Loin de faire concurrence à cette activité,
l’organe du Parti aidera puissamment à la généraliser, à la
reniorcer, à la systématiser.
La nécessité de concentrer toutes les forces en vue de la
fondation d’un organe du Parti régulièrement édité et dif
fusé découle de la situation originale où se trouve la so
cial-démocratie de Russie, par rapport à celle des autres
pays européens et aux vieux partis révolutionnaires russes.
Les ouvriers d’Allemagne, de France, etc., disposent, outre
leurs journaux, d’une foule d’autres moyens de manifester
publiquement leur activité et d’organiser le mouvement :
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