Volume 04 pages 200-201
spéculations arbitraires, etc., etc. Il répète ces formules
(qui ont déjà eu le temps d’écœurcr aussi les lecteurs rus
ses), sans essayer le moins du monde de démontrer en quoi
consiste l’erreur de la méthode dialectique, de dire si Hegel
ou Marx et Engels ont commis des fautes de méthode (et
lesquelles exactement). Le seul moyen par lequel Bernstein
s’elforce do motiver et d’appuyer son opinion consiste à
dénoncer comme «tendancieux » un des derniers paragra
phes du Capital (sur la tendance historique de 1 ’accumulation
capitaliste). Cette accusation est éculée au dernier degré :
elle a été formulée par Eugène Dûhring, par Julius Wolff
et par beaucoup d’autres en Allemagne ; elle a été lancée
(ajouterons-nous pour notre part) par M. I. Joukovski dans
les années 70 et par M. N. Mikhaïlovski dans les années
90, — par ce même M. Mikhaïlovski qui a naguère convaincu
M. I. Joukovski de jonglerie avec les faits à ce propos.
Quelle preuve Bernstein allègue-t-il donc pour soutenir
cette sottise usée jusqu’à la corde ? Seulement la suivante:
Marx a abordé ses « recherches » avec des conclusions déjà
prêtes à l’avance, Le Capital aboutissant en 1867 à des ré
sultats que Marx avait déjà établis dans les années 40. Une
telle «preuve» équivaut à une falsification, répond Kaut
sky, car Marx a fondé ses conclusions non pas sur une,
mais sur deux séries de recherches, comme lui-même l’a
indiqué avec précision dans la préface à Zur Kritik * (voir
la traduction russe : Critique de quelques thèses d'économie
politique** ). La première étude se situe dans les années
40, après que Marx eut quitté la rédaction de la Gazette
rhénane. Il prit cette décision parce qu’il devait traiter du
problème des intérêts matériels et qu’il avait conscience
de n’être pas préparé à cette tâche. Il se retira de l’arène
publique, écrivit-il, pour s’enfermer dans son cabinet de
travail. Ainsi (souligne Kautsky avec une allusion à l’adresse
de Bernstein), ayant douté de la justesse do ses opinions sur
les intérêts matériels, des conceptions alors dominantes sur
cette question, Marx n’estima pas ses doutes assez impor
tants pour leur consacrer tout un livre et en informer le
monde entier. Non, Marx entreprit des recherches afin de
♦ Zur Kritik der politischen Oekonomie, (Contribution à la criti
que de l'économie .politique.— N.R.)
lever.ses doutes et d’élaborer des conception» nouvelle1
et positives. Il se mit à étudier les théories sociales françai
ses et l’économie politique anglaise. 11 se lia avec Engels
qui, à cette époque, étudiait dans le détail l’état de (ait
de l’économie anglaise. Le résultat do ce travail en commun.
de ces premières recherches, ce lurent les conclusions bien
connues que les deux auteurs exposèrent en toute netteté
vers la fin des années 4070. A partir do 1850, Marx s’établît
à Londres où les conditions do vie favorables aux occupa
tions scientifiques le décidèrent à « recommencer par le cero
mencement et à examiner à fond, dans un esprit critique.
les nouveaux matériaux» (Critique de quelques Utiles, I**
édition, p. XI71. Los italiques sont de nous). Le fruit de
cette seconde série do recherches, qui se prolongèrent durant
de longues années, ce furent les œuvres : Zur Kritik
et Das Kapital (1867). La conclusion à laquelle aboutît
Le Capital concorde avec l’ancienne conclusion des années
40 parce que les secondes recherches confirmèrent les résul
tats des premières. « Mes opinions, de quelque manière d'ail
leurs qu’on les juge... sont le résultat de longues et conscien
cieuses études », écrivait Marx en 1859 (même passage.
p. XII72). Peut-on vraiment dire, demande Kautsky, que cela
ressemble à des conclusions prêtes bien longtemps avant
les recherches ?
De la question de la dialectique Kautsky passe à celle
de la valeur. Bernstein affirme que la théorie de Marx est
inachevée, qu’elle laisse subsister de nombreux problèmes
sky n’a pas la moindre intention de le contester ; la théorie
de Marx n’est pas le dernier mot de la science, écrit-il.
L’histoire apporte à la fois de nouveaux faits et de nouveaux
moyens de recherche, qui exigent un progrès continu de la
théorie. Si Bernstein avait essayé d’utiliser des faits nou
veaux et de nouveaux moyens de recherche pour développer
plus avant la théorie, tout le monde lui en serait reconnais
sant. Mais il n’y songe aucunement, il se borne à débiter
des platitudes contre les disciples de Marx et à lancer des
remarques absolument confuses, purement éclectiques, dans
le genre de celle-ci, que la théorie de l’utilité marginale
de l’école de Gossen-Jevons-Bôhm n’est pas moins juste eue
la théorie marxiste de la valeur-travail. L’une et l'autre