Volume 04 pages 198-199
COMPTE RENDU
KARL KAUTSKY. Bernstein und das sozialdemokratische Programm.
Eine Antikritik *.
...Dans son introduction, Kautsky énonce plusieurs
idées extrêmement précieuses et justes sur les conditions
auxquelles doit satisfaire une critique sérieuse et de bonne
foi, si ceux qui l’entreprennent ne veulent pas se confiner
dans le cadre étroit d’un pédantisme et d’une érudition
sans âme, s’ils ne veulent pas perdre de vue le lien étroit
et indissoluble qui unit la « raison théorique » à la « raison
pratique », non à la raison pratique d’individus isolés, mais
des masses populaires placées dans des conditions particu
lières. Evidemment, la vérité est au-dessus de tout, dit
Kautsky, et si Bernstein s’est sincèrement convaincu que
ses anciennes conceptions étaient erronées, son devoir strict
est d’exprimer sa conviction avec une netteté pleine et
entière. Mais le malheur est que Bernstein manque préci
sément de droiture et de netteté ; sa brochure est étonnam
ment « encyclopédique » (comme l’a déjà remarqué Anto
nio Labriola dans une revue française ) ; elle effleure une
foule de questions, une infinité de problèmes, mais pour
aucun d’eux, elle ne donne un exposé cohérent et précis
des nouvelles conceptions du critique. Celui-ci se borne à
exprimer ses doutes en abandonnant sitôt abordées des
questions difficiles et complexes sans les avoir soumises
à la moindre élaboration personnelle. D’où il résulte, note
sarcastiquement Kautsky, quelque chose de fort étrange :
les adeptes de Bernstein comprennent son livre de façons fort
diverses, mais ses adversaires l’entendent tous de la même
—
* K. Kautsky, Bernstein et le programme social-démocrate. Une
contre-critique. (N.R.)
façon. Et la principale objection que Bernstein leur oppose
consiste à dire qu’ils ne le comprennent pas, qu’ils ne veu
lent pas le comprendre. Les nombreux articles de revues
et de journaux écrits par Bernstein en réponse à ses adver
saires n’ont apporté aucune lumière sur ses opinions posi
tives.
Kautsky commence sa contre-critique par une question
de méthode. Il examine les objections élevées par Bernstein
contre la conception matérialiste de l’histoire et montre que
celui-ci a confondu les notions de « déterminisme » et de
« mécanisme », le libre arbitre et la liberté d’action, qu’il
a identifié sans aucune raison la nécessité historique et
la situation sans issue d’hommes asservis. L’accusation
rebattue de fatalisme que Bernstein reprend à son tour est
déjà réfutée par les prémisses mêmes de la théorie historique
de Marx. On ne saurait tout ramener au développement des
forces productives, dit Bernstein. Il faut aussi « tenir
compte » d’autres facteurs. Fort bien, répond Kautsky,
mais c’est ce que doit faire tout chercheur, quelle que
soit la conception de l’histoire dont il s’inspire. Quiconque
veut nous faire renoncer à la méthode de Marx, cette
méthode qui s’est si brillamment justifiée dans la pra
tique et qui continue à se justifier, doit choisir entre deux
chemins : ou bien il abandonne complètement l’idée du
déterminisme, de la nécessité du processus historique, et
cela veut dire qu’il jette par-dessus bord toute tentative
de fonder la sociologie sur une base scientifique. Ou bien
il doit montrer de quelle façon on peut déduire à partir
d’autres facteurs (par exemple, de conceptions éthi
ques), la nécessité du processus historique, — et son ana
lyse devrait pouvoir supporter une comparaison, fût-elle
éloignée, avec celle de Marx dans Le Capital. Non seulement
Bernstein ne fait pas le moindre effort dans ce sens, mais il
continue, en se bornant à un lieu commun parfaitement creux
sur la «nécessité de tenir compte» d’autres facteurs, à re
courir dans son livre à l’ancienne méthode matérialiste,
comme s’il n’en avait pas dénoncé l’insuffisance ! Il lui
arrive même, ainsi que le montre Kautsky, d’appliquer
cette méthode d’une manière brutale et unilatérale vrai
ment inadmissible ! Bernstein lance ensuite ses accusations
contre la dialectique qui conduirait prétendument à des