Volume 04 pages 196-197
stein, voyez-vous, pèche par une « insuffisance de vues théo
riques » (198) qui l’amène — est-ce imaginable ? — à croi
re à la nécessité d’une théorie scientifique déterminant
les objectifs des hommes d’action. Les « chercheurs
critiques » sont affranchis d’une foi aussi étrange. « La
science ne sera libre, déclare solennellement M. Prokopo
vitch, que lorsqu’on aura reconnu qu’elle doit servir les
objectifs d’un parti, et non les définir. Il est indispensable
de convenir que la science ne peut pas fixer les buts d’un
parti tourné vers la pratique » (197). Notons que ce sont
précisément ces conceptions de son partisan que Bernstein
a reniées : « Un programme de principe, qui conduit né
cessairement au dogmatisme, n’est qu’une entrave à un dé
veloppement sain du parti... Les principes théoriques sont
bons dans la propagande, mais non dans un programme »
(157). « Les programmes ne sont pas nécessaires, ils sont
nuisibles. » « Un individu peut, par lui-même, tenir lieu
de programme, s’il est sensible, s’il devine subtilement les
besoins de l’heure »... Le lecteur pense sans doute que je
continue à citer M. Prokopovitch ? Non, je cite à présent
le journal Novoïé Vrémia*3, qui a publié récemment des
articles qui ont attiré l’attention générale, et qui traitaient
du programme... non pas du Parti, assurément, mais du
nouveau ministre de l’intérieur...
Quel rapport y a-t-il entre la liberté de jeter les princi
pes par-dessus bord... — pardon, nous voulions dire la
« liberté de la science » que prêche M. Prokopovitch — et
les conceptions de la majorité des militants d’Europe occi
dentale dont parle si vaillamment notre vaillant critique ?
C’est ce qui ressort des citations suivantes, tirées du même
livre de M. Prokopovitch... «Certes, sans trahir les princi
pes» (159)... «Sans aucunement déroger à l’indépendance,
à la fidélité aux principes »... « Je ne répudie le compromis
que dans le cas... où il mène à renoncer aux principes ou
même à les passer sous silence » (171)... « Sans tolérer l’ab
sence de principes » (174)... « Evidemment sans trahir son
âme, c’est-à-dire ici les principes » (176)... « A présent, les
principes sont fermement établis» (183)... (Il faut absolu
ment) « une boussole qui nous épargne les errements et les
tâtonnements», qui élimine «l’empirisme à courte vue»,
qui prémunisse contre «l’insouciance à l’égard des prin-
cipes » (195)... « Une importance primordiale revient à
la partie consacrée aux principes, à la partie théorique »...
(p. 103 de la IIe partie), etc.
Pour conclure, encore quelques citations : « Si la doctri
ne social-démocrate allemande était l’expression du socia
lisme, et non du prolétariat qui entre en lutte pour défendre
ses intérêts dans la société actuelle et qui, pour la première
fois, prend conscience de son rôle, alors — car tous les Alle
mands ne sont quand même pas des idéalistes — nous ver
rions à côté de ce parti qui s’assigne des buts idéalistes un
parti encore plus puissant, un parti ouvrier représentant
les intérêts pratiques de la partie non idéaliste du proléta
riat allemand »... « Si le socialisme ne jouait pas dans ce
mouvement le rôle d’un simple signe distinctif correspon
dant à une organisation bien délinie, s’il était une idée
motrice, un principe exigeant des membres du parti qu’ils
le servent d’une certaine façon spécifique — dans ce cas
le parti socialiste se séparerait du parti ouvrier général,
et la masse du prolétariat, qui aspire à améliorer son bien
être sur le terrain du régime actuel et réfléchit peu à un
avenir idéal, formerait un parti ouvrier indépendant. » Le
lecteur pensera sans doute encore...
Rédigé fin 1890 Conforme au manuscrit
Publié pour la première fois en 1928
dans le Recueil Lénine VII