☭ Lénine : Œuvres complètes informatisées

| Éditions Communistus

Volume 04 pages 180-181

fait de la classe ouvrière, d’appendice de la bourgeoisie
libérale qu’elle était, un parti politique indépendant. Le
marxisme a lié en un tout indissoluble la lutte économique
et la lutte politique de la classe ouvrière, et les efforts que
déploient les auteurs du « credo » pour séparer ces formes
de lutte sont des écarts des plus malencontreux et des plus
funestes par rapport au marxisme.

Ensuite, les auteurs du « credo » se font une idée non
moins fausse de la situation actuelle du mouvement ouvrier
en Europe occidentale et de la théorie du marxisme sous
le drapeau duquel se poursuit ce mouvement. Parler d’une
« crise du marxisme », c’est reprendre le bavardage absurde
des écrivassiers bourgeois qui s’ingénient à attiser toute
divergence entre socialistes afin d’organiser la scission dans les
partis socialistes. La fameuse bernsteiniade50, telle que la
comprennent habituellement le grand public en général et
les auteurs du «credo» en particulier, est une tentative de
rétrécir la théorie du marxisme, de faire du parti ouvrier
révolutionnaire un parti réformiste, et cette tentative a
été résolument condamnée, comme il fallait s’y attendre,
par la majorité des social-démocrates allemands. Des ten
dances opportunistes se sont manifestées plus d’une fois
dans la social-démocratie allemande et, chaque fois, elles
ont été repoussées par le Parti, qui veille fidèlement sur
les principes de la social-démocratie internationale révo
lutionnaire. Nous sommes convaincus que tout essai de
transplanter en Russie les conceptions opportunistes se
heurtera à une résistance non moins énergique de la part de
l’immense majorité des social-démocrates russes.

De même, il ne saurait être question d’un « changement
radical quelconque de l’activité pratique » des partis ou
vriers d’Europe occidentale, quoi qu’en disent les auteurs du
« credo » : l'énorme importance de la lutte économi que du pro
létariat et la nécessité de cette lutte ont été reconnues dès
le début par le marxisme, et déjà dans les années 40 Marx
et Engels polémisaient avec les socialistes utopistes qui
en niaient l’importance67.

Une vingtaine d’années plus tard, lorsque se constitua
l’« Association Internationale des Travailleurs», la ques
tion de l’importance des syndicats ouvriers et de la lutte
économique fut soulevée dès son premier congrès, à Genève,

en 1866. La résolution adoptée à ce congrès précisa la portée
de la lutte économique, mettant les socialistes et les ouvriers
en garde, d’une part, contre l’exagération de son rôle (ce
qui s’observait à l’époque chez les ouvriers anglais), et,
d’autre part, contre sa sous-estimation (ce que l’on remar
quait chez les Français et les Allemands, notamment chez
les lassalliens). La résolution reconnut les syndicats ouvriers
comme un phénomène non seulement légitime, mais néces
saire en régime capitaliste, et en souligna l’extrême impor
tance pour l’organisation de la classe ouvrière dans sa lutte
quotidienne contre le capital et pour la suppression du
salariat. La résolution déclara que les syndicats ouvriers
ne devaient pas s’attacher exclusivement à « la lutte immé
diate contre le capital », qu’ils ne devaient pas se tenir à
l’écart du mouvement politique et social d’ensemble de
la classe ouvrière ; que leurs buts ne devaient pas être
«étroits», mais tendre à l’émancipation universelle des
millions de travailleurs opprimés. Depuis lors, dans les partis
ouvriers des divers pays, on a soulevé maintes fois, et on
soulèvera évidemment encore plus d’une fois, la question de
savoir s’il faut, à un moment donné, accorder un peu plus
ou un peu moins d’attention à la lutte économique ou à la
lutte politique du prolétariat ; mais la question générale
ou de principe se pose aujourd’hui encore comme elle a été
posée par le marxisme. La conviction que la lutte déclassé
doit nécessairement fusionner en un seul tout la lutte
politique et la lutte économique s’est profondément ancrée
dans la social-démocratie internationale. Par ailleurs, l’expé
rience historique atteste irréfutablement que l’absence
de liberté ou la restriction des droits politiques du prolé
tariat aboutit toujours à la nécessité de placer la lutte po
litique au premier plan.

Encore moins peut-il être question d’un changement tant
soit peu notable dans l’attitude du parti ouvrier envers les
autres partis d’opposition. Sous ce rapport aussi, le mar
xisme a indiqué la position juste, également éloignée de
l’exagération du rôle de la politique et de la conspiration
(blanquisme, etc.), que du dédain de la politique ou de sa
réduction à un ravaudage social de caractère opportuniste,
réformiste (anarchisme, socialisme utopique et petit-bour
geois, socialisme d’Etat, socialisme de la chaire68, etc.).