☭ Lénine : Œuvres complètes informatisées

| Éditions Communistus

Volume 04 pages 168-169

consommation, car les premiers ne sont pas fabriqués pour
eux-mêmes, mais seulement parce qu’on en utilise toujours da
vantage dans les industries qui produisent des biens de con
sommation*. Ainsi, la différence entre les conceptions des
économistes petits-bourgeois et celles de Marx ne réside
pas dans le lait que les premiers auraient reconnu d’une
façon générale l’existence d’un lien entre la production
et la consommation dans la société capitaliste, alors que le
second l’aurait niée (cela serait absurde). La dillércn
ce consiste en ceci que les économistes petits-bourgeois
considéraient ce lien entre la production et la consomma
tion comme immédiat et pensaient que la production suit la
consommation. Au contraire, Marx a montré que ce lien
zi’est que médiat, qu’il se manifeste seulement en fin de
compte, car dans la société capitaliste la consommation
suit la production. Mais, bien que médiat, le lion n’en
existe pas moins ; la consommation doit en dernière ins
tance suivre la production, et si les forces productives
poussent irrésistiblement à une augmentation illimitée de
la production, tandis que la consommation est restreinte
par suite de la prolétarisation des masses populaires, la
contradiction devient indubitable. Celle-ci no signifie pas
que le capitalisme soit impossible**, mais elle souligne la
nécessité de la transformation en une forme supérieure :
plus cette contradiction s’accuse, et plus se développent
les conditions objectives do cette transformation en
me temps que ses conditions subjectives, c’est-à-dire la
conscience que les travailleurs en prennent.

On se demande à présent quelle position pourrait bien
adopter M. Nejdanov sur la question de l’« indépendance »
des moyens de production à l’égard des biens de consomma
tion ? De deux choses l’une : ou bien il entreprendra de
* Das Kapital, III, 1, 28 952. Cité par moi dans le Naoutchnoïé
Obozrénié, p. 40 (voir le présent tome, p. 58.— N.R.) et dans Le déve
loppement du capitalisme, p. 17 (voir V. Lénine, Œuvres, tome 3. —
N.R.).

** Etudes, p. 20 (voir V. Lénine, Œuvres, tome 2. p. 153.—N.R.)\
Naoutchnoïé Obozrénié, n° 1, p. 41 (voir le présent tome, p. 60. N.R.) ;
Le développement du capitalisme, pp 19-20 (voir V. Lénine, Œuvres,
tome 3.—N.R.). Si cette contradiction entraînait un « produit excéden
taire systématique », elle signifierait précisément que le capitalisme
est impossible.

nier complètement toute connexion entre eux, il affirmera
possible la réalisation des moyens de production absolu
ment indépendants des biens de consommation, même « en
fin de compte », — et il aboutira inévitablement à une con
clusion absurde, ou bien il reconnaîtra à la suite de Marx
qu ’en dernière instance les moyens de production sont liés aux
biens de consommation, — et il sera alors contraint d’avouer
la justesse de mon interprétation de la théorie de Marx.

Je prendrai un exemple pour illustrer, en guise de con
clusion, les raisonnements abstraits par des données con
crètes. On sait que, dans toute société capitaliste, l’emploi
des machines est souvent entravé par les salaires extrême
ment bas ( = faible niveau de consommation des masses popu
laires). Bien plus : il arrive même parfois que des machines
acquises par les entrepreneurs ne soient pas utilisées, parce
que le prix de la main-d’œuvre tombe si bas que leur pro
priétaire trouve plus avantageux de recourir au travail ma
nuel 1* L’existence d’une contradiction entre la consomma
tion et la production, entre la tendance du capitalisme à
un développement illimité des forces productives et la
limitation de cette tendance par la prolétarisation, la
misère et le chômage du peuple, est dans ce cas claire com
me le jour. Mais il est non moins clair que la seule et unique
conclusion juste à tirer de cette contradiction est que
l’essor des forces productives doit lui-même entraîner in
vinciblement la substitution au capitalisme d’une éco
nomie où les producteurs seront associés. Au contraire,
il serait complètement erroné de conclure, à partir de cet
te contradiction, que le capitalisme doit fournir sijsléma
tiquement un produit excédentaire, c’est-à-dire qu’il est
totalement incapable de réaliser sa production, qu’il ne
peut donc jouer un rôle historiquement progressif, etc.

Rédigé en mai 1899 Conforme au texte de la revue
Publié en décembre 1899 dans la
revue • Jizn*>
Signeé Vladimir I line
* J ’ai cité un exemple de ce dernier phénomène emprunté à l’agri
culture capitaliste russe dans Le développement du capitalisme en
Russie, p. 165 (voir V. Lénine, Œuvres, tome 3.—N.R.). Loin d’être
isolés les faits de ce genre sont la conséquence habituelle et nécessaire
des traits fondamentaux du capitalisme.