Volume 04 pages 158-159
à toutes les classes rurales produisant des marchandises ;
elle n’épargne pas les paysans moyens » (S. 231).
Toutes ces thèses de Kautsky sont si claires qu’il est
impossible, semble-t-il, de ne pas les comprendre. Néan
moins le critique ne les a visiblement pas comprises.
M. Boulgakov ne nous fait pasconnaître son opinion : il ex
plique d’une façon ou d’une autre cette augmentation
des exploitations paysannes moyennes, mais il prête à
Kautsky l’idée que « le développement du mode de pro
duction capitaliste conduit à la ruine de l’agriculture».
Et M. Boulgakov se déchaîne : « L’allirmation de Kauts
ky suivant laquelle l’agriculture se ruine est fausse, arbi
traire, non prouvée; elle contredit les laits réels les mieux
établis », etc., etc.
contraire. La rentabilité des petites exploitations — lisons-nous par
exemple — est due « à une énorme (ungeheucr) application et à un
esprit d’épargne extraordinaire » (88) ; les habitations des petits agri
culteurs sont plus misérables (107) ; les petits agriculteurs (ycoman
farmer) vivent dans des conditions pires que les fermiers (149) ; « leur
situation est tout à fait lamentable (dans le Lincolnshire) ; ils sont
plus mal logés que les ouvriers ne le sont dans les grandes fermes, et
certaines demeures sont tout à fait pitoyables. Leur travail est plus
pénible et plus prolongé que celui des ouvriers ordinaires, mais ils
gagnent moins que ces derniers. Ils vivent plus mal et mangent moins
de viande... leurs fils et leurs filles peinent gratuitement et sont mal
vêtus » (157). « Les petits fermiers travaillent comme des esclaves,
en été souvent de 3 heures du matin à 9 heures du soir » (communica
tion de la Chamber of Agriculture de Boston, p. 158). « Sans aucun
doute, déclare un gros fermier, les petites gens (dor kleine Mann) qui
ont peu de capitaux et qui font tout avec le concours des membres de
leur famille sont plus a même de restreindre les dépenses domesti
ques, alors que le gros fermier doit nourrir ses valets de ferme de la
même façon, que l’année soit bonne ou mauvaise» (218). Les petits
fermiers (du Iresbire) « font preuve d’une extraordinaire (ungeheucr)
diligence ; leurs femmes et leurs enfants ne travaillent pas moins que
des journaliers, et souvent plus ; on dit que deux d’entre eux abat
tent autant de besogne en un jour que trois ouvriers salariés » (231).
« La vie du petit fermier qui est obligé de travailler avec sa famille
est une vraie vie d’esclave » (253). « En somme... les petits fermiers
ont, semble-t-il, mieux supporté la crise que les gros, mais cela ne
veut pas dire que les petites fermes soient plus rentables. La raison,
à notre avis, en est que le petit exploitant (der kleine Mann) est aidé
gratuitement par sa famille... D’habitude... toute la famille du petit
fermier peine dans son exploitation... Los enfants travaillent au pair
et ne reçoivent que rarement un salaire quotidien fixe » (277-278),
etc., etc.
Nous ferons remarquer à ce propos que M. Boulgakov
rapporte de façon tout à fait inexacte les idées de Kautsky.
Ce dernier ne dit nullement que l’évolution du capitalis
me conduit à la ruine de l’agriculture ; il allirme tout le
contraire. Prétendre que Kautsky parle de la « destruc
tion », de la « ruine » de l’agriculture parce qu’il fait état
de la dépression ( = crise) de l’économie agricole, de la
régression technique qui se manileste par endroits
(nota bene), cela ne se peut qu’à la condition de trai
ter son ouvrage par-dessous la jambe. Dans le chapitre X,
spécialement consacré à la question de la concurrence
d’outre-mer (c’est-à-dire de la principale condition de la
crise agraire), Kautsky déclare : « La crise imminente
n’est évidemment (natürlich) pas du tout obligée (braucht
nicht) de ruiner l’industrie qu’elle frappe. Cela n’arrive
que dans des cas très rares. En règle générale, la crise
amène seulement une transformation des rapports de
propriété existants, dans le sens du capitalisme » (273-274).
Cette remarque, faite à propos de la crise des industries
agricoles, montre clairement la conception générale de Kaut
sky sur la signilication de la crise. Dans le meme cha
pitre, il reprend ce point de vue à propos, cette fois, de
l’agriculture tout entière : «Ce qui vient d’être dit ne don
ne nullement le droit de parler de la ruine de l’agriculture
(Man braucht deswegen noch lange nicht von einem Unter
gang der Landwirtschaft zu sprechen). Mais son caractère
conservateur a disparu sans retour là où le mode de pro
duction moderne s’est solidement implanté. Le maintien
de l’ancienne routine (Das Verharren beim Alten) menace
l’exploitant agricole d’une ruine certaine ; il doit sans
cesse suivre le progrès de la technique, il doit sans cesse
adapter sa production aux conditions nouvelles... A la cam
pagne aussi, la vie économique, qui suivait jusqu’à pré
sent avec une austère monotonie une ornière éternellement
inchangée, se trouve désormais dans un état de révolution
perpétuelle, un état caractéristique du mode de production
capitaliste » (289).
M. Boulgakov « ne comprend pas » comment les ten
dances au développement des forces productives de l’a
griculture peuvent se concilier avec celles d’une aggravation
des difficultés de l’agriculture marchande. Qu’y a-t-il là