Volume 04 pages 152-153
été indiquée avec la plus grande précision par Kautsky
dès la première page du chapitre consacré à « l’agriculture
moderne» (S. 30 et suiv.). C’est précisément à l’« in
dustrie urbaine » (S. 292) que Kautsky attribue le rôle
londamontal dans la transformation de l’agriculture, dans
sa rationalisation, etc. *
Aussi renonçons-nous complètement à saisir comment
M. Boulgakov a pu reproduire dans son article (p. 32 du
n° 3 du Natchalo) les mêmes idées comme s’il voulait les
opposer à celles de Kautsky. C’est là un exemple parti
culièrement spectaculaire de la façon inexacte dont le
sévère critique expose le livre en question. « Il ne faut
pas oublier — M. Boulgakov fait ainsi la leçon à Kaut
sky — qu’une partie des valeurs » (qui s’écoulent vers la
ville) « retournent à la campagne ». Tout Je monde pensera
que Kautsky oublie cette vérité élémentaire. En réalité,
il distingue l’écoulement des valeurs (de la campagne vers
la ville) sans équivalent et contre équivalent ; il le distin
gue beaucoup plus clairement que ne le tente M. Boulga
kov. Pour commencer, Kautsky examine « l’écoulement de
valeurs marchandes sans équivalent (Gegenleistung) de
la campagne vers la ville » (S. 210) (rente dépensée en ville,
impôts, intérêts pour les emprunts contractés dans les ban
ques urbaines), qu’il considère très justement comme une
exploitation économique de la campagne par la ville. Puis
il pose la question de l’écoulement des valeurs contre un
équivalent, c’est-à-dire de l’échange des produits agri
coles contre des produits industriels. « Du point de vue de
la loi de la valeur, écrit Kautsky, cet écoulement ne signi
fie pas une exploitation de l’agriculture ** ; en réalité, il
conduit, en même temps que les laits mentionnés ci-dessus,
à une exploitation agronomique (stolllichen) de l’agricul
* Voir également p. 214 où Kautsky fait état du rôle des capi
taux urbains dans la rationalisation de l’agriculture.
** Que le lecteur compare à l’explication détaillée de Kautsky,
que nous citons ici, la remarque « critique » suivante de M. Boulga
kov : «Si Kautsky considère en général comme de l’exploitation
la livraison du blé par ses producteurs immédiats à la population non
agricole », etc. Il est incroyable qu’un critique tant soit peu au cou
rant du livre de Kautsky puisse écrire ce « si » !
turc, à un appauvrissement de la terre en substances nu
tritives » (S. 211).
En ce qui concerne cette exploitation agronomique de
la campagne par la ville, Kautsky partage, là aussi, une des
thèses fondamentales de la théorie de Marx et d’Engels, à
savoir que l’opposition entre la ville et la campagne détruit
l’indispensable correspondance et interdépendance entre l’a
griculture et l’industrie, et que, par suite, lorsque le ca
pitalisme fera place à une forme supérieure, cette opposi
tion devra disparaître *. M. Boulgakov estime que l’opinion
de Kautsky sur l’exploitation agronomique de la campagne
par la ville est « étrange », qu’« en tout cas Kautsky a péné
tré ici dans le domaine de la fantaisie absolue » (sic ! ! !).
On s’étonne que M. Boulgakov ignore que cette vue qu’il
critique est identique à une idée fondamentale de Marx
et d’Engels. Le lecteur est en droit de penser que M. Boul
gakov considère comme une «fantaisie absolue» l’idée
que l’opposition entre la ville et la campagne est appelée
à disparaître. Si telle est réellement la pensée du critique,
nous sommes résolument en désaccord avec lui et prenons
le parti do la « fantaisie » (c’est-à-dire, en réalité, non pas
de la fantaisie, mais d’une critique plus approiondie du
capitalisme). Le point de vue selon lequel il faut être un
fantaisiste pour croire à la disparition do l’opposition
entre la ville et la campagne n’a rien de nouveau. C’est
la conception classique des économistes bourgeois. Elle
a été reprise aussi par quelques auteurs aux vues plus
profondes. Par exemple, Dühring jugeait que l’antagonisme
entre la ville et la campagne est « inévitable en raison de
la nature même des choses ».
Ensuite, M. Boulgakov est «stupéfait» (!) de voir
Kautsky signaler les épidémies de plus en plus fréquentes
affectant les plantes et les animaux comme l’une des diffi
cultés de l’agriculture marchande et du capitalisme. « Que
* Il va de soi que cette opinion sur la nécessité de faire dispa
raître l’opposition entre la ville et la campagne, dans une société de
producteurs associés, n'empêche nullement de reconnaître le rôle
historiquement progressif que joue l’industrie en détournant la popu
lation rurale de l’agriculture. J’ai eu l’occasion de traiter ce point
ailleurs {Etudes, p. 81, note 69). (Voir V. Lénine, Œuvres, tome 2,
p. 230, note.—2V. R.)