Volume 04 pages 150-151
fixe le taux atteint par la rente à un moment donné. On
conçoit que la rente «freine» la rationalisation intégrale
de l’agriculture: le système du fermage freine les amélio
rations, etc. ; le système des hypothèques oblige à af
fecter la majeure partie du capital, non à la production,
mais à l’achat de la terre. M. Boulgakov objecte, première
ment, que l’augmentation de l’endettement hypothécaire
n’a « rien de redoutable ». Il oublie seulement que Kaut
sky a déjà montré, non « dans un autre sens », mais préci
sément dans ce sens-là, que l’accroissement des hypothè
ques est inévitable même quand l’agriculture est prospère
(voir ci-dessus, premier article, II). Or, à présent, Kaut
sky ne pose nullement la question de savoir si la montée
des hypothèques est « redoutable » ou non ; il cherche à
définir les difficultés qui empêchent le capitalisme de rem
plir entièrement sa mission. Deuxièmement, « il n’est pas
très juste — selon M. Boulgakov —de considérer l’aug
mentation de la rente seulement comme un obstacle...
La hausse de la rente et ses possibilités d’accroissement
sont pour l’agriculture un stimulant indépendant qui la
pousse dans la voie des progrès techniques et autres » (le
mot « processus » au lieu de « progrès » est visiblement une
coquille). Le stimulant qui pousse l’agriculture capita
liste dans la voie du progrès, c’est la croissance do la po
pulation, de la concurrence, de l’industrie ; alors que la
rente est un tribut perçu par la propriété foncière sur l’évo
lution sociale, sur le progrès de la technique. Aussi est-il
inexact d’affirmer que la montée de la rente soit un « sti
mulant indépendant » vers le progrès. Théoriquement,
la production capitaliste est parfaitement compatible avec
l’absence de la propriété privée du sol, la nationalisation
de la terre (Kautsky, S. 207), la rente absolue n’existant
pas du tout et la rente différentielle revenant à l’Etat.
Le stimulant du progrès agronomique n’en serait pas af
faibli pour autant, mais au contraire énormément renforcé.
« Rien ne saurait être plus erroné, dit Kautsky, que de
penser qu’il est dans l’intérêt de l'agriculture de faire
monter (in die Hôhe treiben) les prix des domaines ou de
les maintenir artificiellement à un niveau élevé. Cela sert
les intérêts des propriétaires fonciers actuels (augenblick
lichen), ceux des banques hypothécaires et des gens qui spé-
culent sur les domaines, mais nullement les intérêts de
l’agriculture et encore moins ceux de son avenir, de la gé
nération future des exploitants agricoles » (199). Quant au
prix de la terre, c’est de la rente capitalisée.
La seconde difficulté à laquelle se heurte l’agricultu
re marchande est que celle-ci implique nécessairement la
propriété privée de la terre, ce qui a pour conséquence qu’une
fois transmise par voie d’héritage elle est soit morcelée
(et ce morcellement entraîne même par endroits une régres
sion technique), soit grevée d’hypothèques (quand l’héritier
qui a reçu la terre verse aux autres héritiers un capital
en argent qu’il se procure en empruntant sur son terrain).
M. Boulgakov reproche à Kautsky de « négliger dans son
tableau le côté positif » de la mobilisation de la terre. Ce
grief est dénué de tout fondement, car Kautsky a claire
ment montré au lecteur, tant dans la partie historique de
son livre (notamment dans le chapitre III de la section I
qui traite de l’agriculture féodale et des causes de son rem
placement par ragriculture capitaliste) que dans celle des
applications *? le côté positif et la nécessité historique de
la propriété privée du sol, de l’assujettissement de l’agri
culture à la concurrence, et aussi, par conséquent, de la
mobilisation de la terre. En ce qui concerne un autre re
proche adressé par M. Boulgakov à Kautsky, à savoir que
celui-ci n’étudie pas le problème « du degré différent d’ac
croissement de la population dans diverses régions », il
nous apparaît absolument inintelligible. M. Boulgakov
s’attendait-il vraiment à trouver dans le livre de Kautsky
des dissertations sur la théorie do la population ?
Sans insister sur la question des majorats, qui (après
ce qui vient d’être exposé) ne présente rien de nouveau,
passons à celle de l’exploitation de la campagne par la
ville. Quand M. Boulgakov prétend que Kautsky « n’oppose
pas aux côtés négatifs les côtés positifs, et avant tout l’im
portance de la ville en tant que marché pour l’agriculture »,
il est en contradiction flagrante avec la réalité. L’impor
tance de la ville en tant que marché pour l’agriculture a
* Kautsky s’est élevé résolument contre toutes les restrictions
médiévales apportées à la mobilisation de la terre, contre les majo
rats (fidéicommis et Ancrbenrecht), contre tout soutien accordé à la
communauté moyenâgeuse paysanne (S. 332), etc.