☭ Lénine : Œuvres complètes informatisées

| Éditions Communistus

Volume 04 pages 130-131

consacré à la question du travail au-delà de la norme (ch.

VI, b, S. 106). «Comme dans l’industrie artisanale (Haus
industrie), écrit Kautsky, le travail domestique des en
tants dans la petite exploitation paysanne a des ellets en
core plus funestes quo le travail salarié chez des tierces
personnes. » M. Boulgakov aura beau décréter que ce pa
rallèle ne vaut rien, son opinion n’en est pas moins com
plètement erronée. Dans l’industrie, déclare-t-il, le travail
au-delà de la norme n’a pas de limites techniques, mais
pour le paysan il est « limité par les conditions techni
ques de l’agriculture». On se demande qui, en réalité,
coniond technique et économie : Kautsky ou M. Boulga
kov ? Que vient faire ici la technique de l’agriculture
où de l’industrie artisanale, quand les faits attestent
que, dans les deux cas, le petit producteur contraint ses
enfants au travail à un âge plus tendre, peine un plus
grand nombre d’heures par jour, vit « de façon plus parci
monieuse », et réduit ses besoins à tel point que, dans un
pays civilisé, il apparaît comme un vrai « barbare » (l'ex
pression est de Marx) ? Est-il possible de nier la simi
litude économique de ces phénomènes dans l’agriculture
et dans l’industrie en arguant du lait quo la première pré
sente une foule de particularités (quo Kautsky n’oublie
nullement) ? « Le petit paysan, meme quand il le désire,
ne peut travailler davantage que ne l’exige son champ »,
dit M. Boulgakov. Mais le petit paysan peut travailler et
travaille 14 heures par jour et non 12 ; il peut peiner et
peine avec une tension au-delà de la normale, qui épuise
ses nerfs et ses muscles beaucoup plus vite qu’il n’est
normal. Et puis, quelle abstraction fausse et outrée que
de rapporter tous les travaux du paysan uniquement à
son champ ! Vous ne trouverez rien de tel chez Kautsky
qui sait parfaitement que le paysan travaille aussi chez
lui pour construire et réparer son isba, son étable, ses
outils, etc., « sans compter » tout ce labeur supplémentaire
pour lequel le salarié dans une grande exploitation exige
le salaire habituel. N’est-il pas clair pour tout homme
sans idées préconçues que le travail effectué au-delà de la
norme par le paysan — le petit cultivateur — se situe
dans un cadre infiniment plus large que celui du petit ar
tisan, s’il est uniquement artisan ? Le travail effectué au-

delà de la norme par le petit cultivateur, on tant que phé
nomène généralisé, ressort avec évidence du lait que tous
les auteurs bourgeois témoignent unanimement do l’« ap
plication » et de l’« esprit d’économie » du paysan, alors
qu’ils accusent les ouvriers de « paresse » et de « dissipa
tion ».

Les petits paysans — dit l’auteur, cité par Kautsky,
d’une étude sur la vie de la population rurale de West
phalie —accablent leurs enfants d’une besogne au-delà de
toute mesure, au point que leur développement physique est
retardé ; le travail salarié ne présente pas d’aussi mauvais
côtés. A une commission parlementaire chargée d’une
enquête sur la vie rurale en Angleterre (1897) un petit
paysan de Lincoln a déclaré : « J’ai élevé toute une famille
et je l’ai assommée de travail.» Un autre dit: «Nous
peinons, nos entants et nous, jusqu’à 18 heures par jour,
en moyenne 10-12 heures. » Un troisième : « Nous four
nissons un labeur plus pénible que les journaliers, nous
travaillons comme des esclaves. » M. Read caractérise de
la façon suivante, devant la même commission, la situation
du petit paysan dans les régions où domine l’agriculture
au sens étroit du mot : « L’unique moyen qu’il ait do te
nir, c’est de travailler pour deux journaliers, et de
penser autant qu’un seul. Ses enfants sont plus harassés
et élevés dans des conditions pires que ceux des journa
liers » {Royal Commission on Agriculture final report*,
pp. 34, 357. Cité par Kautsky, S. 109). M. Boulgakov pré
tendrait-il affirmer que les journaliers travaillent aussi
souvent pour deux paysans ? Mais ce qui est bien caracté
ristique, c’est le fait suivant, cité par Kautsky, qui mon
tre comment « l’aptitude des paysans à subir la faim
(Hungerkunst) peut entraîner une supériorité économique
de la petite production » : la comparaison de la rentabilité
de deux exploitations paysannes dans le pays de Bade
révèle dans l’une, la grande, un déficit de 933 marks, et
dans l’autre, deux fois plus petite, un profit de 191 marks.

Mais la première exploitation qui employait uniquement
des ouvriers salariés, devait, selon l’usage, les nourrir
* Compte rendu final de la Commission royale d'enquête sur
l'agriculture. (N.R.)
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