Volume 04 pages 132-133
en dépensant par jour et par tête près d’un mark (envi
ron 45 copecks), alors que dans la petite exploitation
travaillaient uniquement des membres de la lamille (la
femme et six entants adultes), dont l’entretien était deux
fois plus chiche : 48 pfennigs par jour et par tête. Si la
famille du petit paysan se nourrissait aussi bien que les
travailleurs salariés du gros exploitant, le petit culti
vateur aurait subi un déficit de 1 250 marks ! « Son pro
fit n’est pas dû à des greniers pleins de blé, mais à des
estomacs vides. » Quelle masse d’exemples de ce genre
on découvrirait si les comparaisons sur la « rentabilité »
des grandes et des petites exploitations agricoles s’accom
pagnaient de l’évolution de la consommation et du travail
des paysans aussi bien que des travailleurs salariés* !
Voici un autre calcul emprunté à une revue spécialisée et
concluant à la rentabilité plus élevée d’une petite exploi
tation (4,6 hect.) comparée à une grande (26,5 hect.). Mais
comment s’obtient un revenu plus élevé ? demande Kaut
sky. On s’aperçoit que le petit agriculteur est aidé par ses
enfants dès l’âge où ceux-ci commencent à marcher, alors
que le gros exploitant fait des dépenses pour ses enfants
(école, lycée). Dans la petite exploitation, même les
vieillards âgés de plus de 70 ans « effectuent encore le
travail d’un homme dans la force de l’âge ». «Le journa
lier, surtout dans la grande exploitation, pense d’habitu
de pendant le travail : vivement le repos du soir ! Au
contraire, le petit paysan, tout au moins chaque fois que
l’ouvrage presse, pense : ah, si seulement la journée
durait deux heures de plus ! » Les petits producteurs —
nous apprend le même auteur de cet article paru dans une
revue agronomique — utilisent mieux leur temps quand le
travail presse : « Ils se lèvent plus tôt, se couchent plus
tard, travaillent plus vite, alors que chez le gros exploi
tant les ouvriers ne veulent pas se lever plus tôt, se coucher
plus tard, fournir un labeur plus intense que les autres
jours. » Le paysan parvient à réaliser un revenu net grâce
à sa vie «simple» : il vit dans une maisonnette d’argile
construite presque entièrement par la famille ; sa femme,
♦ Voir V. Ilinc, Le développement du capitalisme en Russie, pp. 112,
175, 201. (Voir V. Lénine, Œuvres, tome 3. — N.R.)
depuis 17 ans qu’elle est mariée, a usé tout juste une paire
de souliers, elle marche généralement nu-pieds ou en sa
bots, elle habille toute la famille. Pour toute nourriture,
des pommes de terre, du lait, parfois un hareng. C’est seu
lement le dimanche que le mari fume une pipe. « Ces gens
ne se rendaient pas compte qu’ils menaient une vie particu
lièrement simple, et ils ne se montraient pas mécontents
de leur sort... Avec ce mode d’existence très simple, ils
tiraient presque chaque année un petit excédent de leur
exploitation. »
IV
Après l’analyse des rapports entre la grande et la
petite production dans l’agriculture capitaliste, Kautsky
étudie spécialement les « limites de l’agriculture capita
liste » (chap. VII). La théorie de la supériorité de la gran
de agriculture, dit Kautsky, voit surtout se dresser contre
elle les « amis de l’humanité » (nous avons failli dire les
amis du peuple...) au sein de la bourgeoisie, les libre
échangistes46 pur sang, les agrariens. Au cours de ces
dernières années, de nombreux économistes se sont faits
les défenseurs de la petite agriculture. Ils se réfèrent ha
bituellement à la statistique qui montre que les grandes
exploitations n’évincent pas les petites. Et Kautsky cite
les données suivantes : en Allemagne, de 1882 à 1895, c’est
la superficie des économies moyennes qui a le plus aug
menté ; en France, de 1882 à 1892, c’est celle des plus
petites et des plus grandes ; la surface des économies moyen
nes a diminué. En Angleterre, de 1885 à 1895, celle des
plus petites et des plus grandes a diminué ; les exploita
tions dont la superficie s’est accrue le plus sont celles de
40 à 120 hectares (de 100 à 300 acres), c’est-à-dire des éco
nomies qu’on ne savait faire figurer au nombre des pe
tites. En Amérique, la dimension moyenne des fermes se
réduit : 1850, 203 acres ; 1860, 199 ; 1870, 153 ; 1880,
134 ; 1890, 137. Kautsky examine de plus près les statisti
ques américaines et son analyse, en dépit de l’opinion de
M. Boulgakov, revêt une grande portée de principe. Si la
dimension moyenne des fermes a diminué, c’est surtout en