Volume 04 pages 124-125
n’existait pas. Que dire, après cola, du sévère sermon que
M. Boulgakov adresse à Kaulsky : « En réalité, voici
comment la question doit être posée : quelle importance
peuvent présenter dans la concurrence entre la grande et la
petite production, dans les conditions économiques et socia
les actuelles, telles ou telles particularités de chacune de
ces formes de production ? » Voilà une « correction » tout
à fait de la môme veine que celle que nous avons examinée
ci-dessus.
Voyons à présent comment M. Boulgakov réfute les argu
ments de Kautsky en laveur de la supériorité technique de
la grande production dans l’agriculture. Kautsky dit :
« L’une des plus importantes diliérences qui distinguent
l’agriculture de l’industrie consiste en ceci que la pro
duction au sens propre du terme (Wirtschaitsbetrieb,
l’entreprise économique) y est généralement liée à l’éco
nomie domestique (Haushalt), ce qui n’est pas le cas dans
l’industrie. » Et qu’une économie domestique plus impor
tante soit mieux placée qu’une petite pour épargner du
travail et des matériaux, voilà qui n’exige guère de prou
ves... La première achète (notez-lo bien ! V .1.) « le
pétrole, la chicorée et la margarine en gros, la seconde
au détail, etc. » (S. 93). M. Boulgakov « rectifie » : « Kaul
sky ne voulait pas dire que c’est techniquement plus avan
tageux, mais que cela coûte moins cher»! N’est-il pas
clair que, dans ce cas également (comme dans fous les
autres), la tentative que lait M. Boulgakov pour « recti
fier » Kaulsky est plus que malheureuse ? « Cet argu
ment, poursuit le sévère critique, est lui aussi très con
testable, parce que, dans certaines conditions, la valeur
des isbas isolées peut ne pas entrer du tout dans colle du
produit, alors que la valeur de l’isba commune y entrera,
et encore avec des intérêts. Cela aussi dépend des condi
tions économiques et sociales qu’il aurait fallu étudier,
au lieu de s’attacher à la prétendue supériorité techni
que de la grande production sur la petite »... Première
ment, M. Boulgakov oublie ce détail que Kautsky, ayant
commencé par examiner l’importance comparée de la
grande et de la petite production, toutes choses égales par
ailleurs, analyse en détail ces conditions dans la suite
de son exposé. M. Boulgakov veut, par conséquent, four-
rer dans le môme sac des questions différentes. Deuxiè
mement. De quelle façon la valeur des isbas paysannes
peut-elle ne pas être comprise dans celle du produit ? Uni
quement du lait que le paysan « ne compte pas » la valeur
de son bois ou de son travail nécessité par la construc
tion et l’entretien de l’isba. Dans la mesure où le pay
san en est encore à l’économie naturelle, il peut évidem
ment « ne pas compter » son travail, et M. Boulgakov a
tort d’oublier de dire au lecteur que Kautsky met ce fait
pleinement en lumière aux pages 165-167 de son livre (cha
pitre VIII, « Prolétarisation du paysan »). Mais il s’agit à
présent des « conditions économiques et sociales » du capi
talisme, et non de l’économie naturelle et de l’économie mar
chande simple. Or, dans les conditions sociales du capi
talisme, « no pas compter » son travail, c’est le donner gra
tuitement (à un marchand ou à un autre capitaliste), c’est
travailler moyennant une rémunération incomplète de
sa force de travail, c’est abaisser le niveau des besoins
au-dessous de la norme. Comme nous l’avons vu, Kautsky
a entièrement reconnu et judicieusement apprécié celle
particularité do la petite production. Dans sa réplique
à Kautsky, M. Boulgakov reprend le procédé habituel et
l’habituelle erreur des économistes bourgeois et petits
bourgeois. Ces économistes ont rebattu les oreilles à tout
le monde on exaltant la « vitalité » du petit paysan qui,
disent-ils, peut ne pas compter son travail, ne pas courir
après le profit et la rente, etc. Ces braves gens ont seule
ment oublié qu’un pareil raisonnement confond les « con
ditions économiques et sociales » de l’économie natu
relle, de la production marchande simple et du capita
lisme. Kautsky explique parfaitement toutes ces erreurs,
en distinguant rigoureusement l’une ou l’autre structure
de rapports économiques et sociaux. « Si la production
agricole du petit paysan, écrit-il, n’est pas entraînée dans
le domaine de la production marchande, si elle constitue
seulement une partie de son économie domestique, elle
reste également en dehors de la sphère où s’exercent les
tendances centralisatrices du mode de production actuel.
Si peu rationnelle que soit son exploitation parcellaire,
à quelque gaspillage de force qu’elle conduise, il s’y
accroche fermement, tout comme sa femme s’accroche à