Volume 04 pages 126-127
son pauvre ménage qui lui. donne, de la même façon, des
résultats inliniment misérables pour une énorme dépense
de lorcc de travail, mais qui représente pour elle le seul
domaine où elle soit indépendante do la volonté d’autrui
et libre de toute exploitation. » (S. 165.) La situation
change quand l’économie naturelle est supplantée par l’éco
nomie marchande. Le paysan se voit contraint de vendre
scs produits, d’acheter des outils, d'acheter de la terre.
Tant qu’il demeure un simple producteur de marchandises,
il peut se contenter du niveau de vie d’un ouvrier salarié ;
il n’a pas besoin de bénéiiee ni de rente, il peut payer
pour la terre un prix supérieur à celui que pourrait don
ner un entrepreneur capitaliste (S. 166). Mais la produc
tion marchande simple est évincée par la production capi
taliste. Si, par exemple, le paysan a hypothéqué sa terre,
il doit désormais aussi en retirer la rente cédée au créan
cier. A ce degré de développement, c’est seulement pour la
forme qu’on peut considérer le paysan comme un simple
producteur de marchandises. Do facto, il se trouve avoir
généralement ali aire à un capitaliste — un créancier,
un marchand, un entrepreneur industriel — auprès du
quel il est contraint de chercher des « métiers d’appoint »,
c’est-à-dire lui vendre sa lorcc de travail. A ce stade, —
et répétons que Kautsky compare la grande et la petite
agriculture dans la société capitaliste, — la possibilité
de «ne pas compter son travail » n’a qu’un sens pour le
paysan : s’épuiser à la besogne et rétrécir indéfiniment
ses besoins.
Les autres objections de M. Boulgakov sont tout aussi
mal venues. Kautsky dit que la petite production no permet
l’utilisation des machines que dans des limites plus étroi
tes, que le petit exploitant trouve moins facilement du
crédit et celui-ci lui revient plus cher. M. Boulgakov
estime que ces arguments sont inopérants et il se réfère
aux... coopératives paysannes ! Avec cela, il élude en
la passant totalement sous silence l’argumentation invo
quée par Kautsky à l’appui de l’opinion que nous avons
citée ci-dessus sur ces coopératives et sur leur portée. A pro
pos des machines, M. Boulgakov lait grief de nouveau à
Kautsky de ne pas avoir posé « une question plus générale
d’ordre économique : quel est, dans l’ensemble, le rôle
économique des machines dans l’agriculture» (M. Boulga
kov a déjà oublié le chapitre IV du livre de Kautsky !)
« et y sont-elles aussi indispensables que dans l’industrie
de transiormation ? » Kautsky a clairement montré le
caractère capitaliste de leur emploi dans l’agriculture mo
derne (S. 39, 40 et suivantes), il a souligné les particu
larités de l’agriculture, qui opposent « des dillicultés
techniques et économiques » à l’emploi des machines (S. 38
et suivantes), il a cité des données sur leur utilisation crois
sante (40), sur leur importance technique (42 et suivan
tes), sur le rôle de la vapeur et de l’électricité. Kautsky
a indiqué les dimensions que doivent avoir les exploita
tions, d’après les principes de l’agronomie, pour assurer
la pleine utilisation des machines (94) ; il a établi que,
d’après le recensement allemand de 1895, le pourcentage
des exploitations dotées de machines augmente réguliè
rement et rapidement à mesure que l’on passe des petites
exploitations aux grandes (2% jusqu’à 2 hectares ; 13,8%
de 2 à 5 hect., 45,8% de 5 à 20 hect. ; 78,8% de 20 à 100
hect. ; 94,2% de 100 hectares et plus). M. Boulgakov dési
rerait, à la place do ces chi lires, lire des raisonnements
« généraux » sur la « non-invincibilité » ou l’invincibilité
des machines !...
« Dire qu’à la petite production correspond une plus
grande quantité de bêtes de somme à l’hectare..., déclare
Si. Boulgakov, n’est pas probant... car on n’analyse pas
à ce propos... le degré de saturation de l’exploitation
en bétail. » Ouvrons le livre de Kautsky à la page cor
respondante et lisons : « ...Un grand nombre de vaches
dans la petite exploitation » (par unité de 1 000 hecta
res) « dépend aussi, dans une mesure non négligeable, du
fait que le paysan s’occupe davantage de l’élevage et
moins de la production de blé que le gros exploitant ;
mais la dillérence dans le nombre des chevaux entr tenus
par l’un et par l’autre ne peut s’expliquer de cette la
çon » (p. 96, où ligurent des renseignements concernant la
Saxe en 1860, l’Allemagne tout entière en 1883 et l’Angle
terre en 1880). Rappelons qu’en Russie également la sta
tistique des zemstvos a découvert la même loi qui traduit
la supériorité de la grande agriculture sur la petite : les
grosses exploitations paysannes se tirent d’allaire avec