☭ Lénine : Œuvres complètes informatisées

| Éditions Communistus

Volume 04 pages 120-121

allant de pair avec la concentration des établissements
de crédit. » Quant à cette question, eh bien, nous n’allons
pas discuter avec M. Boulgakov.

III
Après avoir examiné les traits fondamentaux de l’a
griculture féodale et de l’agriculture capitaliste, Kautsky
aborde le problème « de la grande et de la petite produc
tion » (chap. VI). Ce chapitre est l’un des meilleurs de
son livre. Il analyse, pour commencer, « la supériorité
technique de la grande production ». Tranchant la question
au profit de cette dernière, Kautsky ne donne nullement
une formule abstraite qui ignorerait la diversité considé
rable des rapports agricoles (ainsi que M. Boulgakov le
présume bien à tort), mais indique au contraire avec clarté
et précision qu’il faut tenir compte de cette diversité
lorsqu’on veut appliquer la loi théorique à l’étude de
la pratique. La supériorité de la grande production agri
cole sur la petite n’est inévitable, « cela va de soi », que
« toutes choses égales par ailleurs». (S. 100. Los italiques
sont de moi.) Cela en premier lieu. Môme dans l’indus
trie, la loi de la supériorité de la grande production n’est
pas du tout aussi absolue et aussi simple qu’on se l’imagine
parfois ; là aussi, c’est seulement lorsque « toutes choses sont
égales par ailleurs» (ce qui est loin d’être toujours le cas
dans la réalité) que la loi est pleinement applicable. Quant
à l’agriculture, qui se distingue par une complexité et une
diversité de rapports incomparablement plus grandes, la
possibilité de faire jouer intégralement cette loi est soumise
à des conditions beaucoup plus rigoureuses. Par exemple,
Kautsky lait très justement remarquer qu’à la limite de la
propriété paysanne et de la petite propriété seigneuriale, il
se produit « une transformation de la quantité en qualité » :
la grande exploitation paysanne peut être « sinon technique
ment, du moins économiquement, supérieure » à la pètite
exploitation seigneuriale. L’entretien d’un gérant com
pétent (un des principaux avantages de la grande production)
est-une charge trop lourde pour les petits domaines, et la
gestion exercée personnellement par le maître lui-même
est souvent, tout simplement, celle d’un « junker », et n’a

aucun caractère scientifique. En second lieu, la supériorité
de la grande production n’est valable que dans certaines
limites. Kautsky étudie ces dernières en détail dans la
suite de son exposé. De même, il va de soi qu’elles ne sont
pas identiques pour les différentes branches de l’agricul
ture et dans des conditions économiques et sociales diver
ses. En troisième lieu, Kautsky n’ignore nullement que,
« pour le moment », il existe des branches de l’agriculture
où les spécialistes reconnaissent que la petite production
peut concurrencer la grande, par exemple les cultures ma
raîchères, la viticulture, les plantes industrielles, etc.

(S. 115). Mais ces activités ont une importance tout à lait
secondaire par rapport aux branches principales (entschei
denden) : la production des céréales et l’élevage. En outre,
« même dans les régions do viticulture et de cultures maraî
chères, il existe d’ores et déjà de grandes exploitations
assez llorissantes » (S. 115). C’est pourquoi, « si l’on parle
de l’agriculture en général (in Allgemeinen), ces branches
dans lesquelles la petite production l’emporte sur la grande
ne doivent pas entrer en ligne de compte, et on est pleine
ment en droit do dire que la grande production est nette
ment supérieure à la petite » (S. 116).

Après avoir démontré la supériorité technique de la
grande production (nous exposerons ci-après plus en détail
les arguments de Kautsky, en analysant les objections de
M. Boulgakov), Kautsky se demande : «Qu’est-ce que la pe
tite production peut opposer aux avantages de la grande ? »
et il répond : « Une plus large application et des soins
plus diligents de la part du travailleur qui, à la différen
ce d’un salarié, peine pour son propre compte, et ensuite
le niveau très bas des besoins du petit cultivateur indépen
dant, niveau inférieur même à celui de l’ouvrier agricole »
(S. 106). Et, par une suite de données Irappantes sur la
situation des paysans en France, en Angleterre et en Alle
magne, Kautsky ne met pas en doute le « travail excessif et
la consommation insuffisante dans la petite production ».

Enfin, il indique que la supériorité de la grande produc
tion est attestée aussi par l’aspiration des exploitants
agricoles à former des coopératives : « les coopératives
de production, c’est la production en grand ». On sait
comment les idéologues de la petite bourgeoisie en général