Volume 04 pages 116-117
duction agricole moderne est impossible, dit-il, ou, ce qui
revient au meme, elle est impossible sans capital. En el
fet, avec le mode actuel de production, toute somme d’ar
gent qui n’est pas consacrée à la consommation personnelle
peut se transformer en capital, c est-a-dire en une valeur
engendrant de la plus-value, et, en règle générale, elle se
transforme eilectivement en capital. La production agri
cole moderne est donc une production capitaliste » (S. 56).
Ce texte nous permet, entre autres, d’apprécier à sa juste
valeur la déclaration suivante de M. Boulgakov : « J 'em
ploie ce terme (agriculture capitaliste) dans son sens habi
tuel (c’est dans ce même sens que l’emploie Kautsky),
c’est-à-dire au sens de grande exploitation dans l’agricul
ture. Mais en lait (sic), l’économie nationale tout entière
étant organisée sur le mode capitaliste, il n’existe pas d’agri
culture qui soit non capitaliste, car elle est entièrement
déterminée par les conditions générales d’organisation de
la production, et c’est seulement dans ces limites qu’il
convient de distinguer une grande agriculture, ayant un ca
ractère d’entreprise, et une petite. Pour la clarté de l’exposé,
il laut ici également un terme nouveau. » D’où il ressort, en
somme, que M. Boulgakov a rectifié le point de vue de
Kautsky... « Mais en lait », comme le voit le lecteur, Kaut
sky n'emploie absolument pas le terme d’« agriculture capi
talistes » dans le sens « habituel » et inexact, où l’emploie
M. Boulgakov. Kautsky comprend pariaitement, et il
le dit avec beaucoup de précision et de clarté, qu’avec le
modo capitaliste de production, toute production agricole
est «en règle générale» capitaliste. Il londe cette opinion
sur ce simple lait que l’agriculture actuelle exige de 1 'argent,
et que, dans la société moderne, l’argent qui n’est pas con
sacré à la consommation personnelle se transforme en capi
tal. Il nous semble que cela est un peu plus clair que les
« rectilications » de M. Boulgakov, et que Kautsky a plei
nement montré la possibilité de se tirer d’allaire même sans
« terme nouveau ».
Dans le chapitre V de son livre Kautsky soutient, entre
autres, que le système du formage qui s’est si complète
ment développé en Angleterre et celui des hypothèques
qui progresse avec une étonnante rapidité dans l’Europe
continentale traduisent au fond un seul et même processus,
à savoir : le processus qui détache de la terre le cultivateur
exploitant*. Dans le mode capitaliste du lermage, ce dé
tachement est clair comme le jour. Dans le système hypo
thécaire, il est « moins clair et les choses ne se présentent
pas aussi simplement ; mais, au lond, cela revient au mê
me » (S. 86). Il est évident, en el 1 et, que la mise en gage de
la terre est une mise en gage ou une vente de la rente loncière.
Par suite, dans le système des hypothèques tout comme dans
celui du lermage, les bénéliciaires de la rente (=Ies proprié
taires fonciers) se séparent des bénéliciaires du prolit d’en
treprise (=les exploitants agricoles, les chefs des entrepri
ses agricoles). Pour M. Boulgakov, « le sens de cette allir
mation de Kautsky manque tout à lait de clarté ». « On ne
saurait guère, dit-il, tenir pour acquis que l’hypothèque
exprime une séparation entre l’exploitant agricole et la
terre. » « Premièrement, il est impossible de prouver que
les dettes engloutissent toute la rente, cela ne peut se pro
duire qu’à titre exceptionnel »... A cela nous répondrons :
il n’est nullement nécessaire de démontrer que les intérêts
afférents aux dettes hypothécaires engloutissent toute la
rente, do même qu’il n’est pas nécessaire de prouver que
le prix réel du fermage coïncide avec la rente. Il suflit d’éta
blir que l’endettement hypothécaire croît avec une rapi
dité gigantesque, que les propriétaires fonciers s’efforcent
d’engager toute leur terre et aspirent à vendre toute la rente.
Que cette tendance existe, —et l’analyse économique théo
rique ne peut, d’une façon générale, s’occuper que des ten
dances, — cela ne fait aucun doute. On ne saurait donc pas
douter non plus de l’existence du processus détachant la
terre du cultivateur exploitant. La réunion en une seule
personne du bénéficiaire de la rente et du bénéficiaire du
profit d’entreprise est «historiquement une exception»
(ist historisch ci ne Ausnahme, S. 91)... « Deuxièmement,
poursuit M. Boulgakov, il faut analyser, à propos de chaque
* Dans le livre III du Capital, Marx a signalé ce processus (sans
en analyser les différentes formes suivant les pays), et il a noté que
cette « séparation entre la terre considérée comme condition de la pro
duction, d’une part, et la propriété foncière et le propriétaire foncier,
d’autre part » est « un des grands résultats du mode capitaliste de pro
duction » (HT, 2, S. 156-157; trad. russe, pp. 509-510). 44