Volume 04 pages 114-115
Ce chapitre fournit un aperçu remarquablement précis,
succinct et clair, de la gigantesque révolution que le capi
talisme a produite dans l’agriculture en transformant le
métier routinier de paysans abrutis par la misère et acca
blés par l’ignorance en une application scientilique de l’a
gronomie, en troublant la stagnation séculaire de l’agricul
ture, en donnant (et en continuant à donner) une impul
sion’à l’essor rapide des lorces productives du travail so
cial. L’assolement triennal a été remplacé par la rotation
des cultures ; l’entretien du bétail et les .façons culturales
ont été améliorés et le rendement des récoltes s’est accru ;
la spécialisation agricole s’est fortement accentuée, ainsi
que la division du travail entre exploitations. L’uniformité
précapitaliste a cédé le pas à une diversité sans cesse crois
sante, accompagnée d’un progrès technique de toutes les
branches de l’agriculture. On a vu naître et progresser rapi
dement l’utilisation des machines dans l’agriculturc, l’em
ploi de la vapeur ; on commence à se servir de l’électricité
à laquelle il est échu, selon les spécialistes, de jouer dans
ce domaine un rôle encore plus considérable que la vapeur.
On a multiplié les routes d’accès, intensilié la bonification
des terres ainsi que l’emploi d’engrais artiliciels, confor
mément aux données de la physiologie végétale ; on a com
mencé à appliquer la bactériologie à l’agriculture. Lorsque
M. Boulgakov prétend que Kautsky « n’accompagne pas
ces informations* d’une analyse économique », sa déclaration
est absolument sans iondernent. Kautsky montre avec pré
cision le lien qui rattache cette révolution à la croissance
du marché (notamment à celle des villes) et à la subordina
tion de l’agriculture à la concurrence, qui l’a obligée à se
transformer et à se spécialiser. « Cette révolution, écrit
♦ « Tous ccs renseignements, estime M. Boulgakov, peuvent être
tirés de n'importe quel (sic) manuel d’économie agricole. » Nous ne
partageons pas cette opinion flatteuse de M. Boulgakov sur les « ma
nuels ». Prenons parmi ces «n’importe quels manuels» les livres
russes de MM. Skvortsov (Les transports à vapeur) et N. Kabloukov
(Cours, dont la moitié est reproduite dans un « nouvel » ouvrage :
Sur les conditions du développement de V économie paysanne en Jiussie).
Ni chez l’un ni chez l’autre, le lecteur ne trouvait un tableau de cette
révolution que le capitalisme a produite dans l’agriculture, parce
qu’aucun d’eux ne songe même pas à brosser un tableau général du
passage de l’économie féodale à l’économie capitaliste.
Kautsky, issue du capital urbain, renforce la dépendance
de l’exploitant agricole à l’égard du marché et, de surcroît,
en modilie sans-cesse les conditions qui jouent pour lui un
rôle essentiel. Telle branche de la production, rentable aussi
longtemps que le marché le plus proche n’était relié au mar
ché mondial que par une route, ne rapporte plus rien et doit
être remplacée par une autre quand la contrée se trouve tra
versée par une voie ferrée. Si, par exemple, le chemin de
fer amène du blé meilleur marché, la production céréalière
cesse d’être rentable, mais en même temps on voit apparaî
tre la possibilité d’écouler le lait. Le développement de
la circulation des marchandises permet d’introduire dans
le pays des variétés de plantes nouvelles, améliorées », etc.
(S. 37-38.) «A l’époque léodale, poursuit Kautsky, il n’exis
tait pas d’autre culture que la petite, car le propriétaire
foncier travaillait ses champs avec le même outillage que
les paysans. Le capitalisme a permis de créer, pour la pre
mière lois, une grande production agricole, techniquement
plus rationnelle que la petite. » Parlant des machines agri
coles, Kautsky (qui, soit dit en passant, a montré avec pré
cision les particularités de l’agriculture sous ce rapport) ex
plique le caractère capitaliste do leur emploi, leur in
llucnce sur les travailleurs, le rôle des machines en tant que
facteur do progrès, la « nature réactionnaire et utopique »
des projets tendant à limiter l’utilisation des machines
agricoles. « Les machines agricoles continueront d’exercer
leur activité translormatrice : elles chasseront les ouvriers
agricoles vers les villes, servant ainsi d’instrument puissant,
d’une part, pour élever les salaires à la campagne, d’autre
part, pour continuer à répandre les machines dans l’agri
culture » (S. 41). Ajoutons que, dans des chapitres spéciaux,
Kautsky explique en détail le caractère capitaliste de l’agri
culture actuelle aussi bien que les rapports do la grande et
de la petite production et la prolétarisation de la paysanne
rie. L’allirmation de M. Boulgakov selon laquelle Kautsky
« ne pose pas la question de savoir pourquoi toutes ces mira
culeuses métamorphoses ont été rendues nécessaires » est,
comme on le voit, absolument gratuite.
Dans le chapitre V («Caractère capitaliste de l’agricul
ture contemporaine »), Kautsky expose la théorie marxiste
de la valeur, du prolit et de la rente. «Sans argent, la pro
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