☭ Lénine : Œuvres complètes informatisées

| Éditions Communistus

Volume 04 pages 88-89

l’ouvrier reçoit la valeur intégrale de sa force de travail.

C’est là l’idéal du capitalisme, mais nullement sa réalité.

La théorie de la rente suppose que la population agricole
tout entière se trouve scindée en propriétaires fonciers,
en capitalistes et en ouvriers salariés. C’est là l’idéal
du capitalisme, mais nullement sa réalité. La théorie
de la réalisation suppose une répartition proportionnelle
de la production. C’est là l’idéal du capitalisme, mais nul
lement sa réalité.

La valeur scientifique de la théorie de Marx consiste
en ceci qu’elle a élucidé le processus de la reproduction et
de la circulation de l’ensemble du capital social. En ou
tre, elle a montré de quelle manière se manifeste cette con
tradiction, inhérente au capitalisme, en vertu de laquelle
l’énorme augmentation de la production ne s’accompagne
nullement d’une augmentation correspondante de la consom
mation des masses populaires. C’est pourquoi, loin de restaurer
la théorie apologétique bourgeoise (comme Strouvé se l’est
imaginé), la théorie de Marx, au contraire, fournil une arme
extrêmement puissante contre Vapologétique. Il découle de
cette théorie que même si la reproduction et la circulation
de l’ensemble du capital social sont idéalement régulières et
proportionnelles, la contradiction n’en est pas moins iné
vitable entre l’essor de la production et les limites restrein
tes de la consommation. En outre, pratiquement, le proces
sus de la réalisation ne se déroule pas selon une propor
tionnalité idéalement régulière, mais seulement au
milieu de «difficultés», de « fluctuations », de « crises »,
etc.

Par ailleurs, la théorie de la réalisation de Marx four
nit une arme extrêmement puissante non seulement contre
l’apologétique, mais aussi contre la critique réactionnaire,
petite-bourgeoise, du capitalisme. C’est bien cette critique
du capitalisme qu’ont tenté d’épauler nos populistes par
leur théorie erronée de la réalisation. Alors que la concep
tion marxiste conduit inévitablement à reconnaître le ca
ractère historiquement progressiste du capitalisme (déve
loppement des moyens de production et, par voie de con
séquence, des forces productives de la société), sans estom
per pour autant mais au contraire en faisant ressortir le
caractère historiquement transitoire du capitalisme.

12. « En ce qui concerne la société capitaliste idéale
ou isolée, se suffisant à elle-même », Strouvé soutient
qu’une reproduction élargie y est impossible, «étant donné
qu’elle ne saurait trouver les ouvriers supplémentaires qui
lui sont absolument indispensables ».

Je ne puis en aucune façon partager cette opinion de
Strouvé. L’impossibilité de puiser une main-d’œuvre supplé
mentaire dans l’armée de réserve du travail n’a pas été
prouvée par lui, et d’ailleurs elle ne pouvait l’être. Contestant
que l’accroissemeut net delà population puisse fournir ces ou
vriers, il déclare bien gratuitement que « la reproduction
élargie fondée sur l’accroissement net de la population
n’est peut-être pas identique, arithmétiquement, à la re
production simple, mais du point de vue capitaliste prati
que, c’est-à-dire du point de vue économique, elle coïn
cide entièrement avec elle ». Sentant qu’on ne peut démon
trer, sur le plan théorique, l’impossibilité de se procurer
des ouvriers supplémentaires, Strouvé élude la question
en alléguant les conditions historiques et pratiques. « Je
ne pense pas, écrit-il, que Marx aurait pu résoudre la ques
tion historique (?!) sur la base de cette construction pure
ment abstraite »... « Un capitalisme se suffisant à lui-même
est un cas limite historiquement (!) inconcevable » ...« L’in
tensification du travail que l’on peut imposer à l’ouvrier
est très étroitement limitée, non seulement sur le plan
concret, mais aussi logiquement »... « L’accroissement con
tinu de la productivité du travail no peut manquer d’af
faiblir la contrainte au travail elle-même »...

L’illogisme de toutes ces assertions saute aux yeux !

Jamais et nulle part aucun des contradicteurs de Strouvé
n’a proféré cette absurdité qu’on pourrait résoudre une
question historique à l’aide de constructions abstraites.

Seulement, en l’espèce, c’est Strouvé lui-même qui a posé
une question nullement historique mais entièrement abs
traite, une question purement théorique « au sujet de la
société capitaliste idéale » (p. 57). N’est-il pas évident
qu’il esquive tout simplement la question ? Je ne songe
évidemment pas à contester qu’il existe de nombreuses
conditions historiques et pratiques (pour ne rien dire des
contradictions immanentes du capitalisme) qui aboutis
sent et aboutiront à l’effondrement du capitalisme bien