Volume 04 pages 78-79
(érentes branches. Mais Strouvé no va tout de même pas,
pour autant, appeler cette théorie une théorie de la répar
tition proportionnelle !
4. Strouvé conteste mon opinion, selon laquelle Marx
accusait à juste titre Ricardo d’avoir répété l’erreur
d’Adam Smith : « Marx avait tort », écrit-il. Or, Marx cite
textuellement un passage tiré de Ricardo (II1, 383 31).
Strouvé ignore ce passage. A la page suivante, Marx rappor
te l’opinion de Ramsay, qui a, lui aussi, relevé cette
méprise de Ricardo. J’ai indiqué encore un autre pas
sage des œuvres de ce dernier, où il dit sans ambages :
« tout le produit du sol et du travail de chaque pays se di
vise en trois éléments : le salaire, le prolit et la rente »
(ici, Je capital constant est omis par erreur. Voir Œuvres
de Ricardo, traduction Sieber, p. 221). Strouvé reste
muet sur ce passage également. Il cite seulement une note
de Ricardo où celui-ci- montre l’absurdité du raisonnement
de Say sur la dillérence entre le revenu global et le revenu
net. Dans le chapitre 49 du livre III du Capital, qui expose
les conclusions tirées de la théorie de la réalisation, Marx
reproduit justement cette note de Ricardo en l’accompa
gnant du commentaire suivant : «D’ailleurs, comme nous
le verrons plus loin », — il entend évidemment Je livre IV
du Capital32, qui n’est pas encore édité, — « Ricardo n’a
réfuté nulle part l’analyse erronée du prix des marchandi
ses que l’on trouve dans Smith, plus précisément la décom
position de ce prix en une somme des valeurs des revenus
(Revenuen). Il ne songe pas au caractère erroné de cette
explication et l’accepte pour exacte dans ses propres analy
ses, pour autant qu’il «perd de vue» l’élément constant
de la valeur des marchandises. Il revient de temps à autre
à ce même mode de représentation » (c’est-à-dire au mode
de représentation de Smith. Das Kapital, III, 2, 377. Trad.
russe, 69633). Nous laissons au lecteur le soin de juger
qui a raison : est-ce Marx, selon lequel Ricardo reprend
l’erreur de Smith*, ou bien Strouvé, selon lequel Ricardo
* La justesse de l’appréciation de Marx ressort également, avec
une évidence frappante, du fait que Ricardo partageait l’opinion
erronée de Smith sur l’accumulation du capital individuel. Ricardo
pensait que la partie accumulée de la plus-value était entièrement dé
pensée par le salaire, alors qu’elle est dépensée : 1° pour le capital
« comprenait parfaitement (?) que tout le produit social
n’est pas épuisé par le salaire, le prolit et la rente » et « fai
sait abstraction inconsciemment (!) des éléments du produit
social qui constituent les Irais de production ». Peut-on
parfaitement comprendre une chose et, en même temps,
en faire inconsciemment abstraction ?
5. Non seulement Strouvé n’a pas réfuté l’affirmation
de Marx suivant laquelle Ricardo a repris l’erreur de Smith,
mais il l’a reproduite lui-même dans son article. « Il est
étrange... de penser, écrit-il, que telle ou telle façon de
partager le produit social en catégories puisse avoir une
importance essentielle pour la conception générale de la
réalisation, d’autant plus qu’en fait toutes les parties
du produit réalisé prennent la forme du revenu global dans
le processus de la réalisation, et que les économistes clas
siques les considéraient comme des revenus » (p. 48). C’est
que justement ce ne sont pas toutes les parties du produit
réalisé qui revêtent la lorme du revenu (global) ; voilà
précisément l’erreur de Smith, que Marx a éclaircie en mon
trant qu’une partie du produit réalisé n’allecte jamais
et ne peut jamais affecter la forme d’un revenu. C’est la
partie du produit social qui compense le capital cons
tant consacré à la fabrication des moyens de production (ca
pital constant de la section I, selon la terminologie de
Marx). Par exemple, les graines de semence en agriculture
ne prennent jamais la lorme d’un revenu ; le charbon
utilisé derechef pour l’extraction de la houille ne revêt
jamais la forme d’un revenu, etc., etc. Le processus de
reproduction et de circulation de l’ensemble du capital
social ne peut être compris si l’on ne considère pas à part
cette partie du produit brut qui ne peut servir que de
capital, qui ne peut jamais affecter la forme d’un revenu*.
Dans une société capitaliste en cours de développement,
cette partie du produit social doit nécessairement croître
plus vite que toutes les autres parties de ce produit. C’est
uniquement par cette loi que l’on peut expliquer une des
constant et 2° pour le salaire. Voir Das Kapital I2, 611-613. chap. 22,
paragraphe 231. Voir Etudes, p. 29, note (voir V. Lénine, Œuvres,
tome 2, p. 166.—N.R.).
* Voir Das Kapital, III, 2, 375-376 (trad. russe, 69635), sur la
différence entre le produit brut et le revenu brut.