☭ Lénine : Œuvres complètes informatisées

| Éditions Communistus

Volume 04 pages 62-63

leur force de conviction et n’expliquent pas le processus
de la reproduction sociale » (ouv. cité, p. 248), alors que
M. Tougan-Baranovski déclare que « M. Boulgakov ne
comprend pas clairement la destination même de tels
schémas » (Mir Boji, n°6, 1898, p.125). A notre avis,
dans le cas présent, la vérité est tout entière du côté de
M. Boulgakov. C’est plutôt M. Tougan-Baranovski qui
« ne comprend pas clairement la signiiication des schémas »
en admettant qu’ils « démontrent la justesse de la con
clusion » (ibid.). Les schémas ne peuvent rien démontrer
par eux-mêmes ; ils ne peuvent qu'illustrer un processus,
si les éléments particuliers en sont éclairés par Vanalyse théori
que. M. Tougan-Baranovski a établi ses propres schémas, dis
tincts de ceux de Marx (et infiniment moins clairs que ces
derniers), en omettant par surcroît l’explication théori
que des éléments du processus qu’ils sont destinés à illus
trer. La thèse fondamentale de la théorie de Marx, qui a
montré que le produit social se décompose non pas seulement
en capital variable + plus-value (comme le pensaient
A. Smith, Ricardo, Proudhon, Rodbertus, etc.), mais en
capital constant + les parties précitées, — cette thèse,
M. Tougan-Baranovski ne l’a absolument pas expliquée,
encore qu’il l’ait adoptée dans ses schémas. Le lecteur
n'est pas en mesure de comprendre cette thèse fondamentale
de la nouvelle théorie. M. Tougan-Baranovski n’a absolu
ment pas motivé la nécessité de distinguer les deux sections
de la production sociale (I : les moyens de production et
II : les biens de consommation), alors que, selon la juste
remarque de M. Boulgakov, « il y a plus de sens théorique
dans cette seule distinction que dans toutes les controver
ses sur la théorie des marchés qui l’ont précédée » (ouv.

cité, p. 27). C’est pourquoi l’exposé de la théorie de Marx
est bien plus clair et plus exact chez M. Boulgakov que
chez M. Tougan-Baranovski.

Un examen plus serré du livre de M. Boulgakov nous
amène, pour conclure, à faire la remarque suivante. Environ
un tiers de son ouvrage est consacré aux questions de « la
différence des cycles du capital » et du « fonds des sa
laires ». Les chapitres qui portent ces titres nous sem
blent les moins heureux. Dans le premier, l’auteur tente
de compléter (voir p.63, note) l’analyse de Marx et se

plonge dans des calculs et des schémas extrêmement com
pliqués pour illustrer le processus de réalisation, compte
tenu des dillérences dans le cycle du capital. Il nous semble
que la conclusion à laquelle est arrivé linalement M. Boul
gakov (à savoir que, pour expliquer la réalisation, étant
donné la dillérence des cycles du capital, il laut supposer
l’existence de réserves chez les capitalistes des deux sec
tions, voir p. 85) découle tout naturellement des lois
nérales de la production et de la circulation du capital,
et qu’en conséquence il n’était nullement besoin de pré
sumer divers cas de rapports entre les cycles du capital
dans les sections H et I et de dresser toute une série de
graphiques. Mêmes considérations on ce qui concerne le
second chapitre. M. Boulgakov indique tort justement
que M. Herzenstein lait erreur en prétendant relever une
contradiction dans la théorie de Marx sur cette question.

L’auteur lait remarquer à bon droit que, « si l’on prend un
cycle d’un an pour tous les capitaux, les capitalistes sont,
au début de l’année considérée, les propriétaires à la lois
du produit total de l’année écoulée et de la somme d’ar
gent égale à cette valeur » (pp. 142-143). Mais c’est bien
en vain que M. Boulgakov a emprunté (pp. 92 et suiv.) aux
économistes antérieurs leur manière purement scolastique
de poser cotte question (le salaire est-il prélevé sur la produc
tion en cours ou sur la production de la période de travail
écoulée ?), et s’est créé des complications superflues en
«écartant» l’indication de Marx qui «semble contredire
son point de vue fondamental », en raisonnant comme si
« le salaire n’était pas pris sur le capital, mais sur la pro
duction courante » (p. 135). Marx ne pose pas du tout la
question de cette manière. Si M. Boulgakov s’est senti
obligé d’« écarter » le témoignage de Marx, c’est parce
qu’il s’efforce d’attribuer à la théorie de ce dernier une
manière de poser la question qui lui est totalement étran
gère. Une lois qu’on a expliqué le processus d’ensemble
de la production sociale en corrélation avec la consomma
tion du produit par les différentes classes de la société,
et la façon dont les capitalistes effectuent les investisse
ments nécessaires à la circulation des marchandises, la
question de savoir si le salaire est prélevé sur la produc
tion en cours ou sur la production antérieure perd toute