Volume 04 pages 52-53
vaut laquelle, « au cours du dernier demi-siècle », « le
prolit croît beaucoup plus rapidement que la rente »
(p.179) est trop hardie. Non seulement Ricardo (contre qui
M. Bogdanov dirige cette remarque), mais Marx aussi
constate une tendance générale de la rente à augmenter
très rapidement dans les conditions les plus diilérentes
(cet accroissement peut se produire même lorsque le prix
du blé est en baisse). La chute du prix du blé (et do la rente
dans certaines conditions), provoquée ces derniers temps
par la concurrence des terres vierges d’Amérique, d’Aus
tralie, etc., ne s’est brusquement accentuée qu’à partir
des années 70, et la note d’Engels, consacrée à la crise
agraire contemporaine, dans la section sur la rente (Das
Kapital, III, 2, 259-2607) a été formulée d’une façon
beaucoup plus prudente. Engels y constate l’existence
d’une «loi» de l’augmentation de la rente dans les pays
civilisés, qui explique « l’étonnante vitalité de la classe
des grands propriétaires fonciers », et il dit simplement
un peu plus loin que cette vitalité « s’épuise graduelle
ment » (allmâhlig sich erschôplt). — Les paragraphes por
tant sur l’agriculture sont également d’une brièveté exces
sive. En ce qui concerne la rente (capitaliste), l’auteur se
borne à indiquer, très rapidement, qu’elle est fonction de
l’agriculture capitaliste. (« Dans la période du capita
lisme, la terre continue d’être propriété privée et joue le
rôle de capital » (p.127), — et c’est tout !) Il aurait
fallu s’étendre quelque peu, afin d’éviter tout malentendu,
sur la naissance d’une bourgeoisie rurale, sur la situation
des ouvriers agricoles et sur les différences entre celle-ci et
celle des ouvriers de fabrique (niveau plus bas des besoins
et du genre de vie ; vestiges de la fixation à la glèbe ou de
diverses Gesindeordnungen *, etc.). Dommage aussi que
l’auteur n’ait pas abordé la question de la genèse de la
rente capitaliste. Après les remarques qu’il a laites sur les
colons8 et les paysans dépendants, et plus loin sur les
fermages de nos paysans, il aurait fallu caractériser briè
vement la marche générale suivie par le développement
de la rente : de la rente-travail (Arbeitsrente) à la rente
♦ Dispositions' légales qui définissaient les rapports réciproques
entre les possesseurs ae la terre et les paysans serfs. {N .R.)
en nature (Produktenrente), puis à la rente en argent (Geld
rente), et enlin de celle-ci à la rente capitaliste (voir
Das Kapital, III, 2, Kap. 47°). Faisant état de l’évince
ment par le capitalisme des métiers auxiliaires et de la
disparition de la stabilité de l’exploitation paysanne, qui
s’ensuivit, l’auteur s’exprime dans ces termes : « Les ex
ploitations paysannes dans leur généralité s’appauvris
sent, — la somme globale des valeurs produites par elles
diminue » (p.148). C’est loin d’être précis. La ruine de
la paysannerie par le capitalisme consiste dans son évic
tion par la bourgeoisie rurale qui se forme à partir de
cette paysannerie elle-même. M. Bogdanov aurait diffi
cilement pu décrire, par exemple, la décadence des ex
ploitations paysannes en Allemagne sans effleurer la
question des Vollbauer *. A l’endroit cité, il parle des
paysans en général, mais plus loin il cite un fait tiré de
la vie en Russie ; or, il est plus que risqué de parler du
paysan russe « on général ». L’auteur dit dans cette même
page : « Ou bien le paysan ne s’occupe que d’agriculture,
ou bien il se rend à la manufacture », c’est-à-dire, ajoute
rons-nous, qu’il se transforme soit en bourgeois rural.
soit on prolétaire (possédant un lopin de terre). Il aurait
fallu mentionner ce processus sous ses deux aspects. —
Enfin, comme défaut général du livre, nous devons noter le
manque d’exemples empruntés à la vie en Russie. Pour
de très nombreuses questions (l’organisation de la pro
duction au moyen âge, le développement du machinisme
et des voies ferrées, l’augmentation de la population ur
baine, les crises et les cartels, la différence eniie fabrique
et manufacture, etc.), de tels matériaux, tirés de nos pu
blications économiques, seraient très importants, car l’as
similation du sujet est rendue beaucoup plus difficile pour
le débutant, faute d’exemples connus de lui. Il nous sem
ble que l’élimination de ces lacunes augmenterait peu
les dimensions du livre et ne gênerait pas sa large diffu
sion qui apparaît fort souhaitable sous tous les rapports.
Rédigé en février 1898 Conforme au texte de la revue
Publié en avril 1898 dans le n ° 4 de
la revue < Mir Boji »
* Paysans qui possèdent une terre d’un seul tenant (indivise).
GV.H.)