Volume 04 pages 426-427
à affirmer qu’il puisse y avoir rien de plus objectif et de
plus impartial que la statistique des lois, le simple relevé
des actes gouvernementaux eux-mêmes, indépendamment de
toutes considérations sur le divorce entre les paroles et les
actes, les décisions et l’exécution, etc.
Ainsi donc, au travail.
Le Sénat dirigeant publie, comme on le sait, le Recueil
des lois et décisions du gouvernement, qui annonce périodi
quement toutes les dispositions prises par le gouvernement.
Voilà les données que nous examinerons, afin de voir à pro
pos de quoi le gouvernement légifère et décide. Je dis bien :
à propos de quoi. Nous ne nous permettrons pas de critiquer
les injonctions des autorités, nous ferons seulement le comp
te d’« icelles » se rapportant à tel ou tel domaine. Les jour
naux de janvier ont reproduit, d’après la publication gou
vernementale que nous venons de nommer, le contenu des
numéros 2905 et 2929 de l’année dernière et des numéros
1 à 66 de cette année-ci. Au total, 91 actes législatifs et
décisions pour la période allant du 29 décembre 1900 au 12
janvier 1901, juste à la charnière du siècle. Par leur caractère,
ces 91 actes législatifs se prêtent très bien à l’élaboration
« statistique » : il ne se trouve parmi eux aucune loi particu
lièrement importante, rien qui relègue entièrement le reste
au second plan et qui imprime un cachet spécial à cette pé
riode de notre administration intérieure. Ce sont toutes re
lativement des décisions de détail, répondant à des besoins
courants qui surgissent régulièrement en permanence. Nous
considérons ainsi le gouvernement dans son activité quoti
dienne, et cela nous garantit une fois de plus l’objectivité
de la
Sur les 91 actes législatifs, 34, soit plus du tiers, trai
tent d’un seul et même objet : la prolongation des échéances
de paiement des actions du capital ou de versement du prix
d’achat des actions de diverses sociétés commerciales et
industrielles. La lecture de ces textes peut être recommandée
aux lecteurs qui veulent se remettre en mémoire la liste
des productions de notre industrie et la dénomination des
diverses firmes. Le contenu du second groupe est tout à fait
analogue : il s’agit de modifications apportées aux statuts
de sociétés commerciales et industrielles. On y relève 15
actes législatifs réformant les statuts de la Compagnie K. et
S. Popov frères pour le commerce du thé, de la société Nau
mann et CIe pour la fabrication du carton et du carton bitu
mé, de la maison I. Ossipov et CIe (tannerie et commerce
des cuirs et des toiles de chanvre et de lin), etc., etc. Enfin,
cette même catégorie d’actes législatifs en comprend encore
11, dont six sont consacrés à la satisfaction de certains
besoins du commerce et de l’industrie (fondation d’une ban
que publique et d’une société de crédit mutuel, fixation des
prix de quelques valeurs acceptées en garantie de soumissions,
règlement concernant la circulation sur les chemins de fer
des wagons appartenant à des particuliers, instruction pour
les courtiers de la Bourse des blés de Borissoglebsk), tandis
que les cinq autres instituent auprès de quatre usines et
d’une mine six nouveaux postes d’agents et deux postes
de sous-officiers de police montée.
Ainsi, 60 actes législatifs sur 91, c’est-à-dire les deux
tiers, sont consacrés à la satisfaction la plus immédiate
de divers besoins pratiques de nos capitalistes et (partiel
lement) à leur protection contre les émeutes ouvrières. Le
langage impartial des chiffres atteste que notre gouverne
ment, par le caractère prédominant de ses lois et décisions
ordinaires, est le fidèle serviteur des capitalistes, et qu’il
joue à l’égard de la classe capitaliste dans son ensemble
exactement le même rôle qu’un quelconque bureau perma
nent du congrès des maîtres de forges ou le secrétariat du
syndicat des sucriers à l’égard des capitalistes de ces diver
ses branches. Bien sûr, le fait que la moindre modification
au statut d’une société ou la prolongation des échéan
ces de paiement de ses actions font l’objet d’actes législa
tifs particuliers, est dû purement et simplement à la lourdeur
de notre machine d’Etat ; un petit « perfectionnement du
mécanisme », et tout cela passera dans le ressort des auto
rités locales. Mais, d’autre part, la lourdeur du mécanisme,
la centralisation excessive, le besoin qu’a le gouvernement
de mettre son nez partout, constituent des phénomènes
d’ordre général qui s’étendent à l’ensemble de notre vie
sociale et sont loin de se borner à la sphère du commerce
et de l’industrie. Aussi le nombre comparé des textes légis
latifs de telle ou telle catégorie peut-il fort bien nous faire
savoir approximativement à quoi pense notre gouvernement,
à quoi il réserve sa sollicitude, à quoi il s’intéresse.