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se figurant à tort qu’on y donnait un concert. Les agents
ne le laissèrent pas entrer et lui crièrent : « Où vas-tu te
fourrer ? Qui es-tu ?» — « Un ouvrier ! » répondit bru
talement F. Réchetnikov hors de lui. Le résultat de cette
réponse, raconte Gleb Ouspenski, lut que Réchetnikov
passa la nuit au poste, d’où il sortit battu, sans son argent
et sans sa bague. « Je porte ces faits à la connaissance de
Votre Excellence, écrivit-il dans une requête au préfet de
police de Saint-Pétersbourg. Je ne réclame rien. J’ose seu
lement vous importuner pour vous demander que les commis
saires de police, les inspecteurs, leurs subordonnés et
leurs agents, ne battent pas le peuple... Ce peuple en verra
déjà suilisamment de toutes les couleurs.»142
Le modeste souhait dont, il y a si longtemps déjà, l’é
crivain russe se permettait d’importuner le préfet de police
de la capitale, est demeuré jusqu’à ce jour non exaucé, et
demeure inexauçable sous notre régime politique. Mais,
à notre époque, le regard de tout homme honnête que tour
mente le spectacle des actes de férocité et de violence est at
tiré par le nouveau et puissant mouvement populaire qui
est en train de rassembler ses forces pour balayer de la terre
russe toute espèce de cruauté et réaliser les meilleurs idéals
de l’humanité. Dans ces dernières dizaines d’années, la hai
ne contre la police a immensément grandi et s’est enracinée
dans les masses de simples gens. Le développement de la
vie urbaine, les progrès de l’industrie, la diffusion de l’ins
truction, tout cela a éveillé jusque dans les masses ignoran
tes le désir d’une vie meilleure et la conscience de la dignité
humaine, tandis que la police est restée tout aussi arbitrai
re et aussi féroce. A sa férocité sont venus s’ajouter un raf
finement accru des méthodes d’enquête et la persécution
d’un nouvel ennemi, le plus terrible qui soit : tout ce qui
apporte aux masses populaires une lueur de conscience de
leurs droits et la foi en leurs forces. Fécondée par cette cons
cience et par cette foi, la haine populaire trouvera une issue
non pas dans une vengeance sauvage, mais dans la lutte
pour la liberté.