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losophie. Je ne connais pas cette personne; on sait qu’elle
nourrit une dévotion aveugle pour Plékhanov) un article
sur un sujet philosophique. Je lui conseillerai, dit Plékha
nov, de commencer par une remarque contre Kautsky : un
drôle de personnage, ma loi, qui déjà fait ligure de « criti
que », qui laisse passer dans la Neue Zeit12Q des articles
philosophiques des « critiques » et ne laisse pas le champ
libre aux « marxistes » (entendez: à Plékhanov). A l’annon
ce de ce projet d’attaque violente contreKautsky (que nous
avions déjà invité à collaborer à la revue), Arséniev s’émut
et s’éleva vivement contre cette entreprise, la jugeant in
tempestive. L’autre se gonfle de colère, je me joins à Ar
séniev. Axelrod et Zassoulitch se taisent. Une demi-heure
après, Plékhanov nous quitte (nous étions allés l’accompa
gner au bateau) . les derniers instants, il était resté assis
en silence, plus sombre qu’une nuée d’orage. Lui parti,
nous nous sentîmes tous plus à l’aise et la conversation
reprit « à la bonne franquette ». Le lendemain dimanche
(c’est aujourd’hui le dimanche 2 septembre : il y a donc
seulement une semaine !!! J’ai l’impression que cela date
d’il y a un an. Comme tout cela est déjà loin !), la réunion
est convoquée non plus chez nous, dans notre villa, mais
chez Plékhanov. Nous y arrivons, Arséniev d’abord, moi
ensuite. Plékhanov envoie Axelrod et Zassoulitch dire à
Arséniev qu’il se refuse à être corédacteur, et qu’il veut
être simple collaborateur : Axelrod se retire ; Zassoulitch,
toute troublée, très mal à l’aise, murmure à Arséniev:
« Georges est mécontent, il ne veut pas »... J’entre. Plékha
nov m’ouvre et me tend la main avec un sourire un peu
bizarre, puis disparaît. Je pénètre dans une pièce où se
tiennent Zassoulitch et Arséniev, avec de drôles de mines.
— Eh bien, messieurs, dis-je. Plékhanov entre et nous in
vite à passer dans sa chambre. Là, il déclare qu’il préfère
être collaborateur, simple collaborateur, car autrement ce
seront des heurts continuels, qu’il considère visiblement
les choses autrement que nous, qu’il comprend et respecte
notre point do vue, celui du Parti, mais qu’il ne peut pas
l’adopter. Que nous soyons rédacteurs et lui collaborateur.
Nous restons ahuris, littéralement ahuris, et nous commen
çons à nous récuser. « Mais si nous sommes ensemble, dit
Plékhanov, comment voterons-nous ? combien y aura-t-il