☭ Lénine : Œuvres complètes informatisées

| Éditions Communistus

Page 349 · vol. 4

ble brutalité de Plékhanov pousse comme instinctivement
à protester, à défendre ses adversaires. Comme Zassoulitch
l’a fait très finement remarquer, il a une façon de discuter
qui éveille chez le lecteur de la sympathie pour son adver
saire). Plékhanov déclare très froidement et sèchement qu’il
n’est absolument pas d’accord et garde démonstrativement
le silence pendant tous nos pourparlers, assez longs, avec
Axelrod et Zassoulitch qui ne sont pas éloignés d’être de
notre avis. Toute cette matinée se passa dans une espèce
d’atmosphère très lourde : les choses prenaient indiscu
tablement une tournure telle que nous étions en présence
d’un ultimatum de Plékhanov : ou bien lui, ou bien ces
« canailles ». Ce que voyant, Arséniev et moi résolûmes
de céder et, dès l’ouverture de la séance du soir, nous
clarâmes que, « sur les instances de Plékhanov », nous re
noncions à notre proposition. Cette déclaration fut accueil
lie en silence (comme s’il allait absolument de soi que nous
ne pouvions pas ne pas céder !). Nous étions passablement
énervés par cette « atmosphère d’ultimatums » (comme la
qualifia plus tard Arséniev) : le désir de Plékhanov de
commander sans partage était évident. Peu de temps aupa
ravant, lors d’un entretien à titre privé, comme nous par
lions de Bobo (Plékhanov, Arséniev, Zassoulitch et moi,
un soir au cours d’une promenade en forêt), il avait dit
après une discussion animée, en me posant la main sur l’é
paule : «Mais, Messieurs, je ne pose pas de conditions, nous
examinerons tout cela ensemble au congrès et nous en
ciderons en commun. » A ce moment, cela me toucha beau
coup. Mais au congrès ce fut exactement l’inverse :
Plékhanov s’y refusa à discuter en camarade et garda
un silence farouche, signifiant par là qu’il « posait des
conditions ». Pour moi, ce fut une manifestation évidente
d’insincérité (bien que, sur-le-champ, je n’aie pas encore
formulé aussi clairement mes impressions) ; quant à Ar
séniev, il déclara tout net : « Cette concession, il me la
paiera ! » Arrive le samedi. Je ne me souviens plus
au juste de quoi on parla ce jour-là, mais le soir, comme
nous marchions tous ensemble, un nouveau conflit
éclata. Plékhanov disait qu’il fallait commander à une
personne (encore inconnue dans le monde des publicis
tes, mais en qui Plékhanov voulait voir un talent de phi-