Volume 04 pages 336-337
lièrement urgent d’étudier les problèmes d’organisation
et les moyens pratiques de conduire notre action. L’absen
ce de continuité et la dispersion dont il a été parlé plus haut
ont une répercussion particulièrement déplorable sur l’état
actuel de la discipline du Parti, de son organisation et de
la technique de l’action clandestine. Il laut reconnaître
ouvertement et franchement qu’à cet égard, nous sommes
bien en retard, nous social-démocrates, sur les anciens mi
litants du mouvement révolutionnaire russe et sur les au
tres groupements existant dans notre pays ; et nous devons
faire tout notre possible pour pallier nos faiblesses à cet
égard. L’adhésion massive de la jeunesse ouvrière et intel
lectuelle au mouvement, le nombre grandissant des arres
tations et la technique raffinée des persécutions gouverne
mentales rendent absolument indispensable la propagande
des principes et des procédés d’organisation du Parti, de
sa discipline et de la technique de l’action clandestine.
Cette propagande, si elle est soutenue par les différents
groupes et tous les camarades les plus expérimentés, peut
et doit aboutir à faire des jeunes socialistes et des jeunes
ouvriers d’habiles dirigeants du mouvement révolutionnaire,
capables de surmonter tous les obstacles qu’oppose à notre
action le joug de l’Etat policier autocratique et de répon
dre aux exigences de la masse ouvrière, qui aspire spontané
ment au socialisme et à la lutte politique. Enfin, l’analyse
de ce mouvement spontané (tant dans les masses ouvrières
que parmi nos intellectuels) doit être, en rapport avec
les thèmes précités, un de nos principaux objectifs : nous de
vons arriver à voir clair dans le mouvement social des in
tellectuels qui a marqué en Russie les années 1895-1900
et qui renferme des courants divers, parfois hétérogènes ;
nous devons étudier soigneusement la condition de la classe
ouvrière dans toutes les branches économiques, les moda
lités et les circonstances de son éveil et de sa lutte naissante,
afin de lier en un tout indivisible le socialisme marxiste,
qui déjà pousse des racines dans le sol russe, et le mouvement
ouvrier russe, de lier le mouvement révolutionnaire russe
à l’élan spontané des masses populaires. C’est seulement
lorsque cette liaison aura été réalisée que pourra se former
en Russie un parti ouvrier social-démocrate, car la social
démocratie ne consiste pas uniquement à servir le mouve-
inouï ouvrier spontané (comme sont parfois enclins à le
croire aujourd’hui certains de nos « praticiens ») ; elle con
siste à unir le socialisme et le mouvement ouvrier. Cette
union seule donne au prolétariat russe la possibilité de rem
plir sa première tâche politique : libérer la Russie du joug
de l’autocratie.
Quant à la répartition de ces thèmes et questions entre
la revue et le journal, elle sera déterminée uniquement par
la dillérence de volume de ces publications, ainsi que par
leur différence de caractère : la revue doit servir surtout
à la propagande, le journal surtout à l’agitation. Mais il
faut que la revue comme le journal reflètent tous les as
pects du mouvement, et nous tenons tout spécialement à
souligner notre désapprobation d’un plan qui ferait insérer
dans le journal ouvrier exclusivement ce qui se rapporte
directement et immédiatement au mouvement ouvrier
spontané, en réservant à l’organe destiné aux intellectuels
tout ce qui se rapporte à la théorie du socialisme, à la scien
ce, à la politique, à l’organisation du Parti, etc. 11 faut
précisément, au contraire, rattacher tous les faits concrets
et toutes les manifestations concrètes du mouvement ou
vrier à ces questions ; il faut éclairer par la théorie chaque
fait particulier ; il faut que la propagande rende les pro
blèmes de la politique et do l’organisation du Parti fa
miliers aux plus larges masses de la classe ouvrière ; il faut
que ces problèmes deviennent un sujet d’agitation. La forme
d’agitation qui a régné jusqu’ici chez nous, presque sans
partage, à savoir l’agitation à coups de tracts de caractère
local, devient insuffisante : elle est trop étroite, car elle
ne traite que des questions locales, et principalement des
questions économiques. Il faut tâcher de mettre sur pied
une forme supérieure d’agitation : une agitation par le
journal, enregistrant périodiquement à la fois les plaintes
des ouvriers, les grèves ouvrières, les autres formes de la
lutte du prolétariat et toutes les manifestations de l’oppres
sion politique dans toute la Russie, en tirant de chacun do
ces faits des conclusions déterminées en fonction des buts
finaux du socialisme et des tâches politiques du prolétariat
russe. « Etendre le cadre et élargir le contenu do notre
travail de propagande, d’agitation et d’organisation », ces
paroles do P. Axelrod doivent être le mot d’ordre définis
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