Volume 04 pages 302-303
c’est cela qu’on appelle une profession de foi ! Relisez
attentivement ces passages : c’est de nouveau le langage du
« Credo » et la pensée du « Credo » (ce qui illustre une fois
de plus la grave erreur de la rédaction du Rabotchëië Diëlo,
qui s’acharne à vouloir couvrir les vues des « jeunes écono
mistes » et à n’y voir qu’une déviation de quelques indi
vidus isolés).
Pour un socialiste, la lutte économique sert de base
à l’organisation des ouvriers en un parti révolutionnaire,
au développement de leur lutte de classe unie contre le ré
gime capitaliste dans son ensemble. Mais si l’on considère
que la lutte*économique se suffit à elle-même, alors elle
ne contient rien qui soit socialiste, et l’expérience de
tous les pays d’Europe nous fournit une quantité d’exem
ples non seulement de syndicats socialistes, mais aussi de
syndicats antisocialistes.
La tâche du politicien bourgeois est de « contribuer à
la lutte économique du prolétariat » ; la tâche du socialis
te est de faire contribuer la lutte économique au mouvement
socialiste et aux succès du parti ouvrier révolutionnaire.
La tâche du socialiste est de contribuer à la fusion indis
soluble de la lutte économique et de la lutte politique dans
une lutte de classe unique des masses ouvrières socialistes.
Ainsi, les expressions déliquescentes de la Profession de foi
du Comité de Kiev ouvrent la porte toute grande aux idées
de Bernstein et légitiment une attitude impardonnablement
étroite à l’égard de la lutte économique.
L’agitation de masse doit consister dans l’agitation
économique et politique la plus large qui soit à propos de
toute manifestation de l’oppression, dans une agitation
que nous devons utiliser pour attirer un nombre toujours
croissant d’ouvriers dans les rangs du parti social-démocrate
révolutionnaire, pour stimuler toutes les manifestations
possibles de la lutte politique, pour organiser cette lutte
en la faisant passer de ses formes spontanées à une lutte
menée par un parti politique unifié. Ainsi, l’agitation
doit être un moyen d’amplifier la protestation politique
et des formes plus organisées de lutte politique. A l’heure
actuelle, le cadre de notre agitation est trop étroit, le cercle
des questions qu’elle aborde est trop limité, et notre devoir
est de ne pas légitimer cette étroitesse, mais de tendre au
contraire à nous en dégager, à approfondir et élargir notre
travail d’agitation.
Dans la Profession de foi que nous examinons, cette
étroitesse mène non seulement aux erreurs théoriques
analysées ci-dessus, mais encore à un rétrécissement des
tâches pratiques. Celui-ci apparaît dans le désir de « poser
comme tâche première et urgente une enquête sur la situa
tion des ouvriers dans les fabriques et les usines des diverses
localités par la voie de questionnaires et par d’autres pro
cédés ». Nous ne pouvons évidemment élever aucune ob
jection contre les questionnaires en général, qui sont une
partie nécessaire de l’agitation ; mais entreprendre une
enquête, c’est gaspiller des forces révolutionnaires déjà bien
assez pauvres sans cela.
On peut, en fait, puiser bien des choses dans nos enquê
tes légales. La tâche première et urgente devrait consister à
élargir l’agitation et la propagande (surtout sur le plan
politique), d’autant plus que l’excellente habitude que
contractent nos ouvriers d’envoyer de leur propre chef des
correspondances aux journaux socialistes garantit une
abondance suffisante de matériaux.
Une étroitesse encore plus grande apparaît dans la ques
tion des caisses, où l’on ne reconnaît comme souhaitable
que les « caisses professionnelles do grève », sans dire un
mot de l’intégration de ces caisses, comme autant de mail
lons, dans le parti social-démocrate, pour servir à la lutte
politique.
Limiter nos caisses clandestines à la seule activité éco
nomique, voilà une tendance bien naturelle pour les auteurs
du « Credo », mais incompréhensible dans la Profession
de foi d’un comité du Parti ouvrier social-démocrate de
Russie.
A propos des sociétés légales, les positions de la Profes
sion de foi ne sont pas moins étroites, et expriment exacte
ment le même désir de faire des concessions à la fameuse
bernsteiniade ; aider à la constitution de caisses, pour un
comité du Parti social-démocrate, c’est encore une fois
éparpiller ses forces et elfacer la démarcation entre le tra
vail culturel et le travail révolutionnaire ; le parti révolu
tionnaire peut et doit utiliser les associations légales pour
renforcer et consolider son propre travail, pour en faire des