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être introduites dans la masse « graduellement », — nous
nous serions donc jusqu’à présent trop hâtés d’introduire ces
idées dans la masse, et il faudrait nous modérer et nous
retenir !!! Ou quand on nous dit qu’il faut « éclairer po
litiquement'la situation de la classe ouvrière », mais seu
lement « dans la mesure où il existe pour ce faire un motif
dans chaque cas particulier », comme si les « motifs » d’agi
tation politique ne nous étaient pas fournis par les faits
les plus quotidiens, par les faits multiples et constants de
la vie des ouvriers ? !
Ou bien la tendance à subordonner l’agitation politique
à l’existence de motifs dans chaque cas particulier n’a
aucun sens, ou bien elle traduit seulement une tendance
à reculer d’un pas dans la direction du « Credo » et de la
Rabotchaïa Mysl, une tendance à rétrécir le cadre déjà
trop étroit de notre activité de propagande et d’agitation.
On nous rétorquera peut-être aussi que les masses ouvrières
ne sont pas encore aptes à comprendre l’idée de la lutte
politique, qui ne serait accessible qu’à certains ouvriers
plus évolués. A cetto objection, que nous entendons si fré
quemment énoncer par des « jeunes » social-démocrates
russes, nous répondrons que d’abord la social-démocratie a
toujours et partout représenté et ne peut représenter que les
ouvriers conscients, et non ceux dont la conscience n’est
pas éveillée, qu’il ne peut rien y avoir de plus dangereux
et de plus criminel que do spéculer démagogiquement sur
le manque de maturité des ouvriers. Si nous prenons comme
critère de l’activité à exercer ce qui est, dès à présent, le
plus directement accessible à la grande masse, il nous fau
dra prêcher l’antisémitisme ou axer notre agitation, di
sons, sur un appel au père Jean de Cronstadt 109.
La tâche de la social-démocratie est de développer la
conscience politique des masses, et non de se traîner à
la remorque d’une masse politiquement asservie ; en second
lieu, et c’est là l’essentiel, il est faux de dire que les mas
ses ne comprendront pas l’idée de la lutte politique. L’ou
vrier le plus fruste la comprendra, à condition, bien enten
du, que l’agitateur ou le propagandiste sache l’aborder
de façon à lui communiquer cette idée, à la lui présenter
dans un langage intelligible et en s’appuyant sur des faits
de la vie quotidienne familiers à son interlocuteur. Mais