Volume 04 pages 296-297
du socialisme et de la lutte politique, à la fusion du mou
vement spontané des masses ouvrières et du mouvement
révolutionnaire, à la fusion de la lutte de classe et de la
lutte politique. En adoptant le point de vue du socialisme
et de la lutte de classe et en rejetant en même temps la
possibilité d’« appeler actuellement les larges masses à
l’action politique », le Comité de Kiev déroge eu fait com
plètement aux principes du social-démocratisme, et son désir
de rester sur le terrain de ces principes l’amène à une série
de contradictions flagrantes.
En effet, comment peut-on parler de l’« éducation po
litique » des ouvriers si l’on écarte la possibilité de mener
l’agitation politique et la lutte politique ? Est-il encore
besoin de démontrer à des social-démocrates qu’il ne peut
y avoir aucune éducation politique en marge de la lutte po
litique et de l’action politique ? Peut-on vraiment s’ima
giner que des études quelconques ou des livres, etc., puis
sent éduquer politiquement les masses ouvrières en dehors
de l’activité politique et de la lutte politique ? Se peut-il
vraiment que la social-démocratio russe doive en revenir
au point de vue des partisans du servage, selon qui il fal
lait d’abord éduquer les paysans et ne les affranchir qu’en
suite, ou au point de vue de nos écrivassiers, adulateurs
du gouvernement, selon qui il faut d’abord éduquer le
peuple et ne lui accorder qu'ensuite des droits politiques ?
Comment peut-on se fixer la tâche de faire comprendre
la nécessité de lutter pour les droits politiques, et, en même
temps, juger impossible d’appeler les ouvriers à l’action
politique, de mener une agitation politique ? Faire com
prendre la nécessité de la lutte politique, et, en même temps,
ne pas appeler à la lutte politique ? ! Qu’est-ce à dire ?
Comment cela ? Et ce méli-mélo ne résulte nullement des
réticences, d’un brouillon insuffisamment mis au point ;
il provient tout naturellement, inéluctablement, de la dua
lité et de l’ambiguïté dont sont pénétrées toutes les con
ceptions du Comité de Kiev. D’une part, il veut demeurer
sur le terrain des principes fondamentaux, établis de longue
date, de la social-démocratie internationale et russe ;
d’autre part, il est séduit par les formules bernsteiniennes
à la mode sur la « nécessité », l’« aspect graduel » (section I
de la Profession de foi du Comité de Kiev, vers la fin), le
« caractère essentiellement économique du mouvement »,
l’impossibilité de l’agitation et de la lutte politiques, la
nécessité de se tenir sur le terrain solide des nécessités
et des besoins réels (comme si la lutte pour la liberté poli
tique n’était pas suscitée par une nécessité et un besoin
on ne peut plus réels !), en un mot par ces formules à la
mode dont sont tissés des ouvrages à la mode tels que le
«Credo» et le supplément spécial de la Rabotchaïa Mysl.
Arrêtons-nous en substance sur cette affirmation dans la
quelle se concentrent, comme au foyer d’une lentille, tou
tes les faiblesses de la Profession de foi que nous examinons,
à savoir la thèse selon laquelle « il n’est pas possible, ac
tuellement, d’appeler la masse des ouvriers à l’action poli
tique », autrement dit de mener une agitation politique,
l’ouvrier russe n’étant pas encore mûr pour la lutte poli
tique. Cette dernière affirmation est, par bonheur, absolu
ment erronée (nous disons « par bonheur », car si elle était
fondée, elle devrait inévitablement conduire les marxistes
et les social-démocrates russes dans ce marécage de banalités
trado-unionistes et libéralo-bourgeoises où s’efforcent de
les précipiter les auteurs du « Credo » et de la Rabotchaïa
Mysl, ainsi que leurs nombreux acolytes de notre littératu
re légale). Non seulement l’ouvrier est mûr, dans sa
masse, pour la lutte politique, mais il a déjà révélé à
maintes reprises sa maturité, et accompli de nombreux
actes de lutte politique, souvent même d’une manière
spontanée.
En effet, la diffusion massive d’appels où le gouverne
ment est pris à partie, où il est fustigé, n’est-elle pas un
acte de lutte politique ? L’ouvrier russe, dans sa masse,
n’a-t-il pas réglé leur compte « par ses propres moyens » à
des policiers et des soldats par trop infatués et n’a-t-il
pas libéré de vive force ses camarades arrêtés ? N’a-t-il
pas, en maints endroits, affronté directement, dans des
combats de rue, la troupe et la police ? L’ouvrier russe,
dans sa masse, n’a-t-il pas, depuis plus de vingt ans, fourni
aux cercles et aux organisations révolutionnaires les meil
leurs, les plus cultivés, les plus honnêtes et les plus auda
cieux de ses camarades ? Mais, par complaisance pour une
doctrine à la mode, une doctrine platement bourgeoise,
nous devrions, nous les représentants du parti social-dé-