☭ Lénine : Œuvres complètes informatisées

| Éditions Communistus

Volume 04 pages 294-295

A PROPOS D’UNE PROFESSION DE FOI*
Bien qu’elle se présente seulement comme un brouillon
que le manque de temps n’a vraiment pas permis, selon le
Comité de Kiev, d’élaborer et de mettre au point, la Pro
fession de foi rédigée par ce Comité permet cependant de se
faire une idée assez précise des conceptions de ce dernier,
et ces conceptions doivent, sans aucun doute, susciter une
protestation énergique de la part des social-démocrates
russes qui s’en tiennent aux anciens principes de la social
démocratie proclamés en Russie par le groupe « Libération
du Travail », énoncés plus d’une fois dans les publications
du P.O.S.D.R. et confirmés par son manifeste. Les concep
tions du Comité de Kiev reflètent sans aucun doute une in
fluence considérable de cette nouvelle orientation des « jeu
nes social-démocrates russes », qui, poussée jusqu’à ses der
nières conséquences, a fusionné avec le bernsteinisme
pour aboutir à des productions telles que le fameux supplé
ment spécial à la Rdbotchaïa Mysl (septembre 1899) et le
non moins fameux « Credo ».

On ne peut dire que la Profession de foi s’accorde en
tièrement avec cette orientation opportuniste et réaction
naire, mais elle fait de si grands pas dans cette direction,
elle témoigne d’une telle confusion dans les idées fondamen
tales du social-démocratisme, d’un tel flottement de la pen
sée révolutionnaire, que nous estimons de notre devoir de
mettre en garde les camarades do Kiev et d’analyser en
* Profession de foi est chaque fois en français dans le texte
(N.R.)

tail leur déviation par rapport aux principes, établis de lon
gue date, de la social-démocratie internationale comme de
la social-démocratie russe.

Déjà la première phrase de la Profession de foi ne laisse
pas d’être stupéfiante : «Tout en reconnaissant que l’ob
jectif général immédiat du mouvement ouvrier en Russie
est la lutte pour les droits politiques du prolétariat, le Co
mité de Kiev n’estime cependant pas possible, actuelle
ment, d’appeler la masse des ouvriers à l’action politique,
autrement dit de mener une agitation politique, car l’ou
vrier russe n’est pas encore mûr, dans sa masse, pour la lutte
politique.» Nous laisserons de côté la façon dont ce passage
est formulé; l’important, pour nous, ce sont seulement
les idées énoncées ici et répétées (notez-le bien) à maintes
reprises dans d’autres passages de la Profession de foi. Or,
ces idées sont de telle nature qu’il ne nous reste plus qu’à
nous demander : « Est-il possible que ceux qui ont écrit
cela soient des social-démocrates ? »
« L’ouvrier russe n’est pas encore mûr, dans sa masse,
pour la lutte politique » ! S’il en est ainsi, cela équivaut
à un arrêt de mort pour toute la social-démocratie, car cela
signifie que l’ouvrier russe n’est pas encore mûr, dans sa
masse, pour le social-démocratisme. En effet, nulle part au
monde il n’a jamais existé et il n’existe de social-démocra
tie qui ne soit intimement et indissolublement liée à la
lutte politique. Une social-démocratie sans lutte politi
que, c’est une rivière sans eau, c’est une contradiction
llagrante, c’est un retour soit au socialisme utopique de
nos aïeux qui dédaignaient la «politique», soit à l’anar
chisme, soit au trade-unionisme.

La première profession de foi du socialisme mondial,
le Manifeste communiste, a déjà établi cette vérité, devenue
élémentaire depuis lors, que toute lutte de classe est une
lutte politique, que le mouvement ouvrier ne dépasse le
stade embryonnaire et celui de l’enfance, ne devient un
mouvement de classe que lorsqu’il en vient à la lutte poli
tique. La première profession de foi du socialisme russe, la
brochure de Plékhanov Le socialisme et la lutte politique,
parue en 1883, a confirmé cette vérité on l’appliquant à la
Russie et a montré très précisément comment et pourquoi
le mouvement.révolutionnaire russe doit aboutir à la fusion