Volume 04 pages 244-245
causes de l’« instabilité », etc., des intellectuels; 3° le
point ayant trait à la « suppression du système actuel de
représentation politique et son remplacement par une légis
lation populaire directe »; 4° le point relatif aux « moyens
de la lutte politique ». Il est vrai que, dans ce dernier point,
nous ne voyons rien de périmé ou d’erroné : au contraire,
nous présumons que les moyens doivent être précisément
ceux qu’indique le groupe « Libération du Travail » (agi
tation, — organisation révolutionnaire, — passage, « au
moment propice», à une offensive énergique n’excluant
pas, en principe, l’usage même de la terreur) ; mais nous
pensons qu’il n’y a pas lieu d’indiquer dans le programme
du parti ouvrier des moyens d’action qui étaient nécessai
res en 1885 dans celui du groupe de révolutionnaires rési
dant à l’étranger. Le programme doit laisser pendante
la question des moyens de lutte, le choix de ces moyens
incombant aux organisations de militants et aux congrès
du Parti, qui déterminent la tactique do ce dernier. Mais
on ne saurait guère inclure les problèmes de tactique dans
le programme (à l’exception des questions les plus essentiel
les, ayant un caractère de principe, comme, par exemple,
celle de l’attitude à observer envers les autres adversaires
de l’absolutisme). Au lur et à mesure qu’ils se poseront,
les problèmes de tactique seront discutés dans le journal
du Parti et définitivement résolus à ses congrès. Il en va
de même, selon nous, de la question de la terreur : les
social-démocrates doivent absolument la mettre en discus
sion, — non du point de vue des principes, bien entendu,
mais du point de vue de la tactique, — car l’essor du mou
vement multiplie de lui-même, spontanément, les exécu
tions de mouchards, et déchaîne toujours plus l’indigna
tion farouche des ouvriers et des socialistes qui voient
leurs camarades torturés à mort, en nombre sans cesse crois
sant, dans les cachots et les lieux de déportation. Afin que
tout soit clair, précisons tout de suite qu’à notre avis per
sonnel, la terreur est actuellement un moyen de lutte inop
portun, que le Parti (en tant que parti) doit la rejeter (jus
qu’au moment où un changement des conditions nécessi
terait du même coup un changement de tactique) et con
centrer toutes ses forces en vue d’améliorer l’organisation
et assurer un acheminement régulier de nos publications.
Il n’y a pas lieu ici de s’arrêter plus longuement sur cette
question.
En ce qui concerne la législation populaire directe, il
ne faut pas du tout, à notre avis, l’introduire dans notre
programme à l’heure actuelle. On ne saurait, d’un point
de vue de principe, lier la victoire du socialisme au rem
placement du parlementarisme par une législation popu
laire directe. C’est ce qu’ont prouvé, selon nous, les débats
sur le programme d’Erfurt et le livre de Kautsky sur la
législation populaire. Ce dernier établit (sur la base d’une
analyse historique et politique) que la législation populaire
est d’une certaine utilité dans les conditions suivantes :
1° absence d’opposition entre la ville et la campagne ou
prépondérance des villes ; 2° existence de partis politiques
hautement développés ; 3°« absence d’un pouvoir d’Etat
excessivement centralisé et s’opposant en tant que tel à la
représentation populaire ». En Russie, nous avons des con
ditions tout à fait contraires, et le danger de voir la « légis
lation populaire » dégénérer en « plébiscite » impérialiste
serait chez nous particulièrement grand. Si, à propos de
l’Allemagne et do l’Autriche, Kautsky a dit en 1893 que
« pour nous, Européens de l’Est, la législation populaire
directe est du domaine de l’« Etat futur », cela est infi
niment plus vrai pour la Russie. Aussi pensons-nous qu’au
jourd’hui, sous le règne de l’autocratie en Russie, nous
devons nous borner à réclamer une « Constitution démo
cratique » et préférer les deux premiers points de la partie
pratique du programme rédigé par le groupe « Libération
du Travail » aux deux premiers points de la partie pratique
du «programme d’Erfurt».
Passons à la partie pratique du programme. Elle com
porte, à notre avis, sinon par sa forme, du moins par le
fond, trois sections : 1° réformes démocratiques générales ;
2° mesures de protection des ouvriers et 3° mesures dans
l’intérêt des paysans. En ce qui concerne la première sec
tion, il n’y a guère lieu d’apporter de changements substan
tiels au « projet de programme » du groupe « Libération
du Travail », qui exige : 1° suffrage universel ; 2° indem
nité parlementaire ; 3° instruction générale, laïque, gra
tuite et obligatoire, etc. ; 4° inviolabilité de la personne
et du domicile des citoyens ; 5° liberté illimitée de conscien-