Volume 04 pages 204-205
neuse documentation statistique, ne sauraient être exposés
ici ; aussi devrons-nous nous borner à indiquer brièvement
leur contenu. Kautsky souligne qu’il s’agit, très précisément,
de l’orientation du développement dans son ensemble et
nullement des particularités et des manifestations superfi
cielles, dont aucune théorie ne saurait tenir compte, étant
donné toute leur diversité. (Cette vérité élémentaire, mais
fréquemment oubliée, est également rappelée au lecteur
par Marx dans les chapitres correspondants du Capital.)
Analysant en détail les matériaux fournis par les recense
ments industriels allemands de 1882 et de 1895, Kautsky
montre qu’ils confirment brillamment la théorie de Marx
et lève tous les doutes quant au processus de concentra
tion du capital et d’évincement de la petite production.
Bernstein lui-même, pas plus tard qu’en 1896 (alors qu’il
appartenait encore, ironise Kautsky, à la corporation des
apologistes et des chicaneurs), a reconnu nettement ce fait,
tandis qu’à présent il exagère au-delà do toute mesure la
force et l’importance do la petite production. Par exemple,
il estime le nombre des entreprises ayant moins de vingt
ouvriers à quelques centaines de mille, « en ajoutant évi
demment, dans son zèle pessimiste, un zéro de trop», car il
existe seulement 49 000 établissements de ce genre on Al
lemagne. En outre, la statistique englobe pêle-mêle parmi
les petits patrons les cochers, les commissionnaires, les
fossoyeurs, les marchands des quatre-saisons, les couturiè
res, même si elles travaillent à domicile pour un capitaliste,
etc., etc. ! Relevons une remarque de Kautsky d’une grande
portée théorique, à savoir que les petites entreprises commer
ciales et industrielles (dans le genre de celles que nous ve
nons de mentionner) ne sont souvent, dans la société capi
taliste, qu’une des formes de la surpopulation relative :
de petits producteurs ruinés, des ouvriers qui ne trouvent
pas de travail deviennent (parfois temporairement) de petits
marchands ou colporteurs, louent leur logement ou un coin
(ce sont là aussi des « entreprises », recensées par la statisti
que au même titre que d’autres entreprises do toute espèce !),
etc. La surabondance de ces métiers ne dénote nullement
la vitalité de la petite production, mais l’aggravation de
la paupérisation dans la société capitaliste. Or, Bernstein
souligne et exagère le rôle des petits « industriels » quand,
à son avis, ce rôle témoigne en sa faveur (dans la quation
do la grande et de la petite production), tout en les payant
sous silence dans le cas contraire (lorsqu’il s’agit de l’aggra
vation de la paupérisation).
Bernstein fait siens les raisonnements, depuis longtemps
connus aussi du public russe, selon lesquels les sociétés par
actions « permettent » de fractionner le capital et « rendent
superflue » sa concentration, et il cite quelques chiffres
(voir le n° 3 de la revue Jizn pour 1899) sur le nombre des
petites actions. Kautsky répond que ces chiffres ne prouvent
rigoureusement rien, car les petites actions de différentes
sociétés peuvent être la propriété de gros capitalistes (ce
que Bernstein lui-même est bien obligé de reconnaître).
Bernstein n’apporte absolument aucune preuve à l’appui
de cette affirmation que les sociétés anonymes multiplient
le nombre des possédants ; il en est d’ailleurs incapable
car en réalité ces sociétés servent à exproprier le public
confiant et peu fortuné au profit des gros capitalistes et des
gros spéculateurs. L’augmentation du nombre des actions
atteste seulement la tendance de la richesse à revêtir cette
forme, mais elle ne prouve absolument rien quant à sa
répartition. D’une façon générale, Bernstein a traité avec
une légèreté surprenante de la multiplication du nombre des
possédants, du nombre des propriétaires, ce qui n’a pas
empêché ses adeptes bourgeois d’exalter précisément
cette partie de son livre et de la proclamer fondée sur « une
gigantesque documentation statistique ». Bernstein s'est
montré si habile, ironise Kautsky, qu’il a logé cette docu
mentation gigantesque dans deux pages en tout et pour
tout ! Il confond possédants et capitalistes, bien que per
sonne n’ait jamais contesté l’accroissement du nombre de
ces derniers. Il cite des chiffres relatifs à l’impôt sur le re
venu, ne tenant aucun compte de leur caractère fiscal et
de la confusion entre les revenus provenant d’une proprié
té et ceux provenant d’un traitement, etc. Il compare des
données se rapportant à diverses époques et obtenues par
des voies diflérentes (par exemple, pour la Prusse) et. de ce
fait, impossibles à comparer. 11 en arrive même à emprun
ter des chiffres sur l’élévation du nombre dos possédants
en Angleterre (et à les imprimer en caractères gras, comme son
principal atout !) à un feuilleton d’un quelconque journal