☭ Lénine : Œuvres complètes informatisées

| Éditions Communistus

Page 177 · vol. 4

lion parlementaire en même temps que pénétrait dans l’arène la plèbe,
le prolétariat de fabrique non organisé et presque inorganisable, tous
ces facteurs firent naître en Occident ce qui porte aujourd’hui le nom
de bernsteiniade, de crise du marxisme. Il serait difficile d’imaginer
une évolution du mouvement ouvrier plus logique que celle qui va du
Manifeste Communiste à la bernsteiniade, et une étude attentive de
tout ce processus peut permettre de déterminer l’issue de cette « cri
se » avec une précision mathématique. Naturellement, il ne s’agit
pas ici de la défaite ou de la victoire de la bernsteiniade, ce qui ne pré
sente guère d’intérêt ; il s’agit d’un changement radical de l’acti
vité pratique, changement qui, depuis longtemps, s’opère peu à peu au
sein du Parti.

Cette transformation se fera non seulement dans le sens d’une
conduite plus énergique de la lutte économique, d’une consolidation
des organisations économiques, mais aussi, et c’est là l’essentiel, dans
le sens d’une modification de l’attitude du Parti à l’égard des autres
partis de l’opposition. Le marxisme intransigeant, le marxisme
§ateur, le marxisme primitif (qui se fait une idée trop schématique
e la division de la société en classes) fera place à un marxisme
mocratique, et la situation sociale du Parti dans la société moderne
devra être radicalement modifiée. Le Parti reconnaîtra la société ;
ses objectifs étroitement corporatifs, sectaires dans la plupart des
cas, prendront l’ampleur de tâches sociales, et son aspiration a la con
quête du pouvoir deviendra une aspiration à changer, à réformer la
société contemporaine dans un sens démocratique, adapté à létal
actuel des choses, afin d’assurer la défense la meilleure, la plus com
plète, des droits (de toutes sortes) des classes laborieuses. La notion
de «politique » s’élargira et prendra un sens vraiment social, elles
revendications pratiques do l’heure auront plus de poids, pourront
compter sur une plus grande attention, que jusqu’à présent.

De cette brève description de l’évolution du mouvement ouvrier
en Occident il n’est pas difficile de tirer des conclusions pour la
Russie. La voie du moindre effort ne sera jamais orientée chez nous
dans le sens de l’activité politique. L’intolérable oppression politique
fera beaucoup parler d’elle et retiendra spécialement l’attention, mais
jamais elle ne poussera à agir pratiquement. Si, en Occident, les fai
bles effectifs des ouvriers, entraînés dans l’action politique, se sont
de ce fait affermis et cristallisés, chez nous, au contraire, ces faibles
effectifs se heurtent au mur de l’oppression politique et, loin d’avoir
les moyens pratiques de lutter contre elle et, par conséquent, de se
développer, sont même systématiquement étouffes par cotte oppression
et ne peuvent faire aucun progrès, si minime soit-il. Si l’on ajoute à
cela que notre classe ouvrière n’a pas hérité de cet esprit d’organisa
tion qui distinguait les militants d’Occident, on se trouvera devant
un sombre tableau, capable de décourager le marxiste le plus optimis
te, convaincu que toute nouvelle cheminée d’usine, du seul fait
de son existence, est la source d’un grand bien-être. La lutte écono
mique, elle aussi, est difficile, extrêmement difficile, mais elle est
possible, et enfin elle est pratiquée par les masses elles-mêmes. Ap
prenant par cette lutte à s’organiser, et s’y heurtant à tout instant au
régime politique, l’ouvrier russe créera finalement ce qu’on peut ap
12—2934