Volume 04 pages 144-145
par l’augmentation de superficie des exploitations de
1 000 hectares et plus) dépend de l’intensification de
la grande production, et non de son déclin. Nous avons
déjà vu que cette intensification progresse en Allemagne
et qu’elle exige souvent une diminution de la surface des
exploitations. Que la grande production s’intensifie, cela
ressort de l’emploi croissant de machines à vapeur, et
aussi de la multiplication notoire du nombre des employés
agricoles qui ne sont utilisés en Allemagne que par la
grande production. Le nombre des gérants (inspecteurs),
des surveillants, des comptables, etc., est passé entre
1882 et 1895 de 47 465 à 76 978, soit une augmentation
de 62% ; le pourcentage des femmes parmi ces employés
est passé de 12% à 23,4%.
«Tout cela montre clairement, poursuit Kautsky, com
bien la grande production agricole est devenue plus intensive
et plus capitaliste depuis le début des années 80. Nous
verrons dans le chapitre suivant pourquoi ce sont préci
sément les exploitations paysannes moyennes qui ont, en
même temps, si fortement accru leur superficie » (S. 174).
M. Boulgakov découvre dans ce tableau « une contradic
tion flagrante avec la réalité », mais ses arguments, cette
fois encore, ne justifient nullement un verdict aussi catégo
rique et aussi hardi et n’ébranlent pas d’un pouce les con
clusions de Kautsky. « Avant tout, écrit-il, à supposer
qu’il y ait eu intensification de l’agriculture, cela no
suffirait pas encore à expliquer la diminution relative et
absolue des labours, la diminution de l’importance du
groupe formé par les exploitations de 20 à 1 000 hectares.
La superficie des terres labourées pourrait augmenter en
même temps que le nombre des économies ; ce dernier de
vrait seulement (sic !) s’accroître un peu plus rapidement,
de sorte qu’il y aurait réduction de superficie pour chacune
des exploitations considérées *. »
C’est à dessein que nous avons reproduit en entier ce
♦ M. Boulgakov cite des données encore plus détaillées, mais
elles n’ajoutent absolument rien à celles de Kautsky, car elles mon
trent la même augmentation du nombre des exploitations dans le seul
groupe des gros propriétaires fonciers et une diminution de l’étendue
de leurs terres.
raisonnement d’où M. Boulgakov prétend conclure que « la
réduction des dimensions d’une entreprise sous l’influence
d’une production plus intensive est une pure chimère»
(sic !) ; c’est que cette argumentation révèle la même
erreur due à l’abus des «données statistiques», contre
laquelle Kautsky nous a si bien mis en garde. M. Boulga
kov est d’une exigence ridiculement sévère à l’égard de la
statistique des surfaces des exploitations ; il lui attribue
une importance qu’elle ne peut jamais avoir. Pourquoi, en
effet, la superficie des labours devrait-elle augmenter
« quelque peu » ? Pourquoi l’intensification de la produc
tion (qui, comme nous l’avons vu, lait parfois vendre ou
donner à bail à des paysans des parcelles périphériques)
ne « devrait »-elle pas faire passer un certain nombre d’ex
ploitations d’une catégorie supérieure à une catégorie in
férieure ? Pourquoi ne « devrait »-elle pas diminuer la
surface des labours pour les exploitations allant de 20 à
1 000 hectares ? * Dans une statistique industrielle, une
diminution de la valeur globale de la production des plus
grosses fabriques témoignerait d’un déclin de la grande
production. Mais une réduction de 1,2% de la superficie
des grands domaines ne signifie rien et ne peut rien signifier
quant au volume de la production, qui augmente souvent en
même temps que la superficie des exploitations diminue.
Nous savons qu’en Europe, d’une façon générale, la cul
ture des céréales est supplantée par l’élevage, ce qui est
particulièrement net en Angleterre. On sait que cette évo
lution exige parfois qu’on réduise la surlace des fermes,
mais ne serait-il pas étrange d’en déduire un déclin de la
grande production ? Aussi, entre autres raisons, l’« éloquent
tableau » présenté par M. Boulgakov à la p. 20 et montrant
la diminution du nombre des grandes et des petites exploi
tations et la multiplication des moyennes (de 5 à 20 hecta
res) possédant des bêtes de somme, ne prouve encore abso
lument rien. Ce phénomène pourrait découler aussi bien
d’un changement du mode d’exploitation.
* Dans cette catégorie, la superficie passe de 16 986 101-à
16 802 115 hectares, c’est-à-dire que la diminution est en tout de
...1,2% ! Voilà, n’est-il pas vrai, une preuve vraiment convaincante
de l’« agonie » de la grande production découverte par M. Boulgakov .
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