☭ Lénine : Œuvres complètes informatisées

| Éditions Communistus

Volume 04 pages 82-83

que donnera cette critique. Pour l’instant, nous constatons
qu’elle est stérile en ce qui concerne la théorie de la
réalisation.

7. A propos de la signification des schémas de Marx
dans la section III du livre II du Capital, Strouvé sou
tient qu’il est possible d’exposer convenablement la théo
rie abstraite de la réalisation en recourant aux procédés
les plus variés de division du produit social. Cette ailir
mation surprenante s’explique entièrement si l’on se
rappelle le malentendu fondamental de Strouvé en vertu
duquel la théorie de la réalisation serait « complètement
épuisée » (??!) par la thèse banale que les produits s’échan
gent contre des produits. C’est seulement par suite de
ce malentendu que Strouvé a pu écrire une phrase comme
celle-ci : « Le rôle que ces masses de marchandises » (réa
lisées) «jouent dans la production, la répartition, etc., la
question de savoir si elles représentent un capital (sic!!)
et lequel, constant ou variable, voilà qui est parlaitemont
indiiiérent en ce qui concerne le fond de la théorie en cau
se » (51). Pour la théorie de la réalisation de Marx, qui
consiste dans l’analyse de la reproduction et de la circu
lation de l’ensemble du capital social, il serait indiiiérent
de savoir si les marchandises représentent un capital !!

Cela revient à dire que, pour le lond de la théorie de la
rai. Mais Strouvé reprend visiblement sa pensée favorite sur la fécon
dation du marxisme par la «philosophie critique». N’ayant, cela
va de soi, ni le désir ni la possibilité de m‘appesantir ici sur la question
du contenu philosophique du marxisme, je me bornerai donc à formuler
la remarque suivante. Les disciples de Marx qui prêchent un « retour
à Kant» n’ont jusqu’à présent absolument rien avancé qui prouve
la nécessité d’un tel revirement et qui montre avec évidence ce que
la théorie de Marx gagnerait à être fécondée par le néo-kantisme36.

Ils ne se sont même pas acquittés de l’obligation qui leur incombe
avant toute autre chose et qui consiste à analyser en détail et à réfuter
l’appréciation négative portée par Engels sur le néo-kantisme. Au
contraire, les disciples qui sont revenus, non à Kant, mais au maté
rialisme philosophique d’avant Marx, d’une part, et à l’idéalisme
dialectique, d’autre part, ont donné un exposé remarquablement co
hérent et précieux du matérialisme dialectique, en établissant qu’il
est le produit légitime et inévitable de tout le développement le plus
récent de la philosophie et de la science sociale. 11 me suffit de ren
voyer au travail bien connu de M. Beltov en langue russe et aux Bei
trâge zur Geschichte des Materialismus (Stuttgart 1896)37 {Essais sur
l'histoire du matérialisme. — N. B.) en langue allemande.

rente foncière, il serait indifférent de savoir si la popula
tion des campagnes se divise ou non en propriétaires
fonciers, en capitalistes et en ouvriers, car cette théorie
ne consisterait prétendument qu’à signaler la différence
de fertilité de divers terrains.

C’est seulement en vertu de ce même malentendu que
Strouvé a pu dire : « le rapport réciproque naturel entre
les éléments de la consommation sociale —l’échange so
cial d’objets matériels — apparaît au mieux » si l’on recourt,
non pas à la division du produit selon Marx, mais à IsC di
vision suivante : moyens de production + biens de con
sommation + plus-value (p. 50). En quoi consiste l’échan
ge social d’objets matériels? Avant tout dans l’échange
de moyens de production contre des biens de consommation.

Mais comment mettre cet échange en lumière si l’on sépare la
plus-value des moyens de production et des biens de consom
mation? Car enlin la plus-value s’incarne soit dans les
moyens do production, soit dans lesbiens de consommation !

N’est-il pas clair qu’une telle division, inconsistante du
point de vuo logique (puisqu’elle confond la division selon la
forme naturelle du produit et la division suivant les éléments
de la valeur), obscurcit le procesus de l’échange social des
objets matériels?*
8. Strouvé dit que j’ai attribué à Marx la théorie apo
logétique bourgeoise de Say-Ricardo (52), théorie de l’har
monie entre la production et la consommation (51), qui
est en contradiction flagrante avec la doctrine de Marx sur
l’évolution et la disparition finale du capitalisme (pp. 51
52); que, par suite, mon « raisonnement absolument juste »
sur le fait que Marx, dans les livres II et III, souligne la
contradiction inhérente au capitalisme entre l’extension
illimitée de la production et la consommation limitée des
masses populaires, « jette complètement par-dessus bord
la théorie de la réalisation... » dont je me fais « par ailleurs
le défenseur ».

Cette assertion de Strouvé est tout aussi erronée et
* Rappelons que Marx partage tout le produit social en deux
sections selon la forme naturelle du produit : 1° moyens de production ;
11° biens de consommation. Puis, dans chacune de ces sections, le pro
duit se divise en trois parties selon les éléments qui constituent la
valeur : 1° capital constant, 2° capital variable, 3° plus-value.

6*