Volume 04 pages 32-33
(pp. 23 et 32-33), sans se douter qu’en 1894-95 on n’a
compté que les plus gros établissements, si bien que la com
paraison est boiteuse. Tout à fait curieuse est la confron
tation du nombre moyen des ouvriers par fabrique dans dif
férentes provinces (p. 26) ; M. Karychev en arrive, par exem
ple, à conclure que dans celle de Kostroma, « on rencontre
un type moyen d’industrie plus important que dans les au
tres provinces » : 242 ouvriers par fabrique contre 125 dans
celle de Vladimir. Il ne vient même pas à l’esprit du savant
professeur que cela tient tout simplement à la diversité
des procédés de recensement, comme on l’a déjà expliqué
plus haut. Ayant perdu de vue la proportion inégale des
gros et des petits établissements dans les différentes pro
vinces, M. Karychev a imaginé un procédé fort simple pour
éluder les difficultés de ce problème. Plus précisément, il
multiplie le nombre moyen des ouvriers employés par fabri
que pour toute la Russie d'Europe (puis pour la Pologne
et le Caucase) par le nombre des fabriques dans chaque pro
vince, et reporte les groupes ainsi obtenus sur dia
gramme spécial (n° 3). C’est si simple, en effet ! A quoi
bon grouper les fabriques d’après le nombre de leurs ouvriers,
à quoi bon examiner la proportion relative des gros et des
petits établissements dans les diverses provinces, alors que
nous pouvons, par ce procédé si simple, ramener artificiel
lement les dimensions « moyennes » dos fabriques dans les
provinces à une seule norme commune ? A quoi bon exami
ner si beaucoup ou peu de petits ou très petits établissements
ont été comptés parmi les fabriques dans les provinces de
Vladimir ou de Kostroma, alors que nous pouvons « tout
simplement » prendre le nombre moyen des ouvriers par
fabrique pour toute la Russie d’Europe et le multiplier par
le nombre des fabriques de chaque province ? La belle affaire
si un tel procédé mot sur le même plan des centaines de mou
lins à vent ou d’huileries accidentellement recensés et de
grosses fabriques ! Le lecteur n’y verra que du feu et fera
confiance—pourquoi pas ? — à la « statistique » forgée de
toutes pièces par M. le professeur !
Outre les ouvriers travaillant dans l’établissement, la
Liste comporte encore une colonne concernant spécialement
les ouvriers qui travaillent «'en dehors de l’établissement,
à l’extérieur». On y trouve non seulement ceux qui exécu-
tent à domicile des commandes des fabriques (Karychev,
p. 20), mais encore les ouvriers auxiliaires, etc. Le nombre
de ces travailleurs tel qu’il ressort de la Liste (66 460 dans
l’Empire) ne peut aucunement être considéré comme « un
indice du développement atteint chez nous par ce qu’on
appelle le secteur extérieur des fabriques » (Karychev, p. 20),
car, avec le système actuel de statistique des fabriques et
des usines, il ne saurait être question d’un recensement tant
soit peu complet des ouvriers de ce genre. M. Karychev dit
avec beaucoup de légèreté : « 66* 500 pour toute la Russie avec
ses millions d’artisans et il ressort de toutes les sources, c’est
peu » (ibid .). Pour écrire cela, il faut avoir oublié qu’une
grande partie sinon la plus grande de ces « millions d’arti
sans », comme de gens de métier, travaille pour des reven
deurs, c’est-à-dire que ce sont également des « ouvriers
travaillant en dehors des établissements». Il suffit de jeter
un coup d’œil sur les pages de la Liste se rapportant aux
régions connues par leurs industries « artisanales » pour
se convaincre du caractère entièrement fortuit et fragmen
taire du recensement des « ouvriers travaillant en dehors
des établissements ». Par exemple, en ce qui concerne la
section II (traitement de la laine), la Liste ne compte dans
la province de Nijni-Novgorod que 28 ouvriers de cette ca
tégorie, dans la ville d’Arzamas et dans la banlieue de
Vyïezdnaïa (p. 89), alors que les Travaux de la commission
d'études sur l'industrie artisanale en Russie (fascicules V
et VI) nous apprennent qu’il y a dans ces localités plusieurs
centaines (un millier peut-être) d’« artisans » travaillant
pour des patrons. Dans le district Sémionovski, la Liste
n’indique pas du tout d’ouvriers travaillant en dehors des
établissements, alors que la statistique du zemstvo nous
apprend que plus de 3 000 « artisans » y peinent pour des
patrons dans l’industrie du feutre et des semelles. Dans
l’industrie des accordéons de la province de Toula, la Liste
ne relève qu’une « fabrique » avec 17 ouvriers à domicile
(p.395), alors que les mêmes Travaux de la commission...
etc., enregistraient dès 1882 2 000 à 3 000 artisans employés
par les fabricants d’accordéons (fasc. IX). Il est donc tout
simplement ridicule de considérer le chiffre de 66 500 ou
vriers travaillant en dehors des établissements comme tant
soit peu digne de foi et de disserter sur la répartition de
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