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NOTE LE 29 DECEMBRE 1900
29/X.II 1900. Samedi, 2 h du matin.
Je voudrais noter les impressions que j’ai retirées de
mon entretien d’aujourd’hui avec le « jumeau ». Ç’a été
une réunion mémorable et « historique » en son genre (Ar
séniev, Vélika, le jumeau + l’épouse 4- moi)110, historique du
moins dans mon existence, car elle a dressé le bilan, je ne
dirai pas d’une époque, mais de toute une page de ma vie
et déterminé pour longtemps ma conduite et mon avenir.
De la façon dont Arséniev m’avait d’abord transmis la
chose, j’avais compris que le jumeau venait à nous et vou
lait de son côté faire quelques pas : c’est juste l’inverse qui
s’est produit. Cette étrange méprise provient sans doute de
ce qu’Arséniev désirait beaucoup ce que le jumeau faisait
miroiter à ses yeux comme un « appât » : matériaux
politiques, correspondances, etc. ; or, « on croit aisément
ce que l’on désire », et Arséniev croyait à la possibilité de ce
que le jumeau lui présentait comme « appât », il voulait
croire à la sincérité de .ce dernier, à la possibilité d’un modus
vivendi correct avec lui.
C’est cette réunion qui a définitivement et sans retour
jeté bas cette croyance. Le jumeau s’est montré sous un jour
tout nouveau, comme un « politique » de la plus belle
eau, un politique au pire sens du terme, un politicien, un
intrigant, un maquignon et un cynique. Il est arrivé, abso
lument convaincu de notre impuissance, selon l’expression
dont a usé Arséniev lui-même pour résumer les résultats
des négociations, et cette formule est absolument juste. Le