Volume 04 pages 340-341
diverses. Loin de bannir de nos colonnes la polémique entre
camarades, nous entendons au contraire lui réserver une
très large place. Une tranche polémique devant tous les
social-démocrates et tous les ouvriers conscients russes est
nécessaire et désirable pour sonder la profondeur des diver
gences existantes, pour examiner sous tous les aspects les
questions en litige, pour combattre les excès dans lesquels
tombent fatalement les tenants des divers points de vue,
les représentants des diverses localités ou des diverses « pro
fessions » du mouvement révolutionnaire. Nous considérons
même qu’un des délauts du mouvement actuel réside dans
l’absence d’une polémique faite au grand jour entre les
opinions manifestement divergentes, dans le désir de mettre
sous le boisseau des désaccords relatifs à des questions
vraiment essentielles.
Bien plus : reconnaissant dans la classe ouvrière russe
et dans la social-démocratio russe le champion d’avant
garde de la démocratie, de la liberté politique, nous esti
mons nécessaire d’essayer de faire de nos organes des organes
communs à toute la démocratie, non que nous consentions
même un instant à oublier l’antagonisme qui existe entre
le prolétariat et les autres classes, non que nous puissions
tolérer jamais la moindre atténuation à la lutte des classes,
non, mais en ce sens que nous poserons et débattrons toutes
les questions démocratiques sans nous cantonner dans les
questions étroitement prolétariennes, que nous souligne
rons et débattrons tous les cas et toutes les manifestations
de l’oppression politique, que nous montrerons le lien entre
le mouvement ouvrier et la lutte politique sous toutes ses
formes, que nous chercherons à gagner tous les gens sincè
rement décidés à combattre l’autocratie, sans distinction
d’opinion ni déclasse, en les appelant à soutenir la classe ou
vrière, seule force révolutionnaire et irréductiblement hostile
à l’absolutisme. C’est pourquoi, si nous nous adressons
avant tout aux socialistes et aux ouvriers conscients russes,
nous ne voulons pas nous borner exclusivement à eux. Nous
convions également tous ceux qu’écrase et opprime le ré
gime politique de la Russie actuelle, ceux qui veulent li
bérer le peuple russe de son esclavage politique, nous les
convions à soutenir les publications qui consacrent leurs
efforts à l’organisation du mouvement ouvrier en un part.
politique révolutionnaire, nous leur offrons nos colonnes
pour démasquer toutes les vilenies et tous les crimes de l’au
tocratie russe. Nous lançons cet appel dans la conviction
que le drapeau de la lutte politique, levé par la social-dé
mocratie, peut et doit devenir le drapeau commun du peu
ple tout entier.
Les tâches que nous nous proposons sont extrêmement
vastes, universelles, et nous ne nous serions pas hasardés
à les entreprendre si nous n’avions tiré de toute notre ex
périence la certitude inébranlable que ce sont les objectifs
immédiats de notre mouvement et si nous n’étions assurés
de la sympathie et du concours entier et constant : 1° de
plusieurs organisations du Parti ouvrier social-démocrate
do Russie et de divers groupes de social-démocrates mili
tant dans plusieurs villes ; 2° du groupe « Libération du
Travail », qui a fondé la social-démocratie russe et a tou
jours été à la tête de ses théoriciens et de ses publicistes ;
3° de nombre de personnes qui, sans appartenir à nos orga
nisations, sympathisent néanmoins avec le mouvement ou
vrier social-démocrate et lui rendent maints services. Nous
ferons tous nos cl forts pour nous acquitter, comme il se
doit, des engagements que nous avons pris dans l’œuvre
révolutionnaire commune, et nous désirons que tous les
camarades russes considèrent nos publications comme leur
propre organe auquel chaque groupe communiquerait toutes
ses informations sur le mouvement, ferait part de ses
idées, de ses besoins de publications, de son expérience,
de son opinion sur les éditions social-démocrates, ferait
part, en un mot, de tout ce qu’il apporte au mouvement et
de tout ce qu’il en retire. C’est à cette condition seulement
que nous aurons un organe social-démocrate réellement
valable pour toute la Russie. La social-démocratie russe
se trouve désormais à l’étroit dans la clandestinité où tra
vaillent des groupes isolés et des cercles dispersés ; il est
temps qu’elle s’engage dans la voie de la propagande pu
blique du socialisme, dans la voie d’une lutte politique
déclarée, et la fondation d’un organe social-démocrate
destiné à la Russie tout entière doit constituer le premier
pas dans celte voie.
Rédigé au printemps 1900 Conforme à un manuscrit, recopié par
Publié pour la première fois en 1926, une rnain inconnue
dans le Recueil Lénine IV