☭ Lénine : Œuvres complètes informatisées

| Éditions Communistus

Volume 04 pages 324-325

listes qui s’efforcent de produire leurs marchandises au
plus bas prix possible (ce qui demande que les ouvriers
soient payés le moins cher possible), les fluctuations dans
l’industrie s’accentuent et les crises deviennent plus vio
lentes *. Lorsque l’industrie prospère, les fabricants réa
lisent de gros profils, sans songer le moins du monde à
les partager avec les ouvriers ; mais en période de crise,
les fabricants cherchent à faire supporter les pertes par les
ouvriers. La nécessité des grèves dans la société capitaliste
est si bien reconnue par tout le monde dans les pays d’Eu
rope que la loi ne les y interdit pas. C’est seulement en
Russie que subsistent des lois barbares contre les grèves
(nous reviendrons encore sur ces lois et leur application).

Mais les grèves, qui relèvent de la nature même de
la société capitaliste, marquent le début de la lutte menée
par la classe ouvrière contre cette organisation de la so
ciété. Lorsque les riches capitalistes ont en lace d’eux
des ouvriers isolés et nécessiteux, c’est pour ces derniers
l’asservissement total. La situation change quand ces
ouvriers nécessiteux unissent leurs efforts. Les patrons
ne tireront aucun profit de leurs richesses s’ils ne trou
vent pas des ouvriers acceptant d’appliquer leur travail
à l’outillage et aux matières premières des capitalistes
et de produire de nouvelles richesses. Quand des ouvriers
isolés ont affaire aux patrons, ils restent de véritables
esclaves voués à travailler éternellement au prolit d’au
trui pour une bouchée de pain, à demeurer éternellement
des mercenaires dociles et muets. Mais lorsqu’ils formu
lent en commun leurs revendications et refusent d’obéir
à ceux qui ont le sac bien garni, ils cessent d’être des es
claves, ils deviennent des êtres humains, ils commercent
à exiger que leur travail ne serve plus seulement à enrichir
* Nous examinerons plus en détail une autre fois les crises dans
l’industrie, ainsi que leur signification pour les ouvriers. Pour l’ins
tant, nous nous bornerons à faire remarquer qu’en ces dernières années,
l’industrie russe a marché grand train, elle a « prospéré ». Mais
aujourd’hui (fin 1899), des symptômes évidents montrent que cette
«prospérité» va aboutir à une crise, à des difficultés dans l’écoule
ment des marchandises, à dos faillites des fabricants, à la ruine dos
petits patrons et à des calamités terribles pour les ouvriers (chômage,
réduction des salaires, etc.).

une poignée de parasites, mais permette aux travailleurs
de vivre humainement. Les esclaves commencent à exiger
de devenir des maîtres, de travailler et de vivre non point
au gré des grands propriétaires lonciers et des capitalis
tes, mais comme l’entendent les travailleurs eux-mêmes.

Si les grèves inspirent toujours une telle épouvante aux
capitalistes, c’est parce qu’elles commencent à ébranler
leur domination. « Tous les rouages s’arrêteront, si ton
bras puissant le veut », dit de la classe ouvrière une chan
son des ouvriers allemands. En effet : les fabriques, les
usines, les grandes exploitations foncières, les machines,
les chemins de 1er, etc., etc., sont pour ainsi dire les roua
ges d’un immense mécanisme qui extrait des produits de
toutes sortes, leur lait subir les transformations néces
saires et les livre à l’endroit voulu. Tout ce mécanisme
est actionné par l'ouvrier, qui cultive la terre, extrait le
minerai, produit des marchandises dans les fabriques, cons
truit les maisons, les ateliers, les voies ferrées. Quand les
ouvriers relusent de travailler, tout ce mécanisme menace
de s’arrêter. Chaque grève rappelle aux capitalistes que
ce no sont pas eux les vrais maîtres, mais les ouvriers,
qui proclament do plus en plus hautement leurs droits".

Chaque grève rappelle aux ouvriers que leur situation
n’est pas désespérée, qu’ils ne sont pas seuls. Voyez quelle
énorme influence la grève exerce aussi bien sur les grévistes
que sur les ouvriers des fabriques voisines ou situées à proxi
mité ou faisant partie d’une branche d’industrie similaire.

En temps ordinaire, en temps de paix, l’ouvrier traîne
son boulet sans mot dire, sans contredire le patron, sans
réfléchir à sa situation. En temps de grève, il formule bien
haut ses revendications, il remet en mémoire aux patrons
toutes les vexations qu’ils lui ont infligées, il proclame ses
droits, il ne songe pas uniquement à lui-même et à sa paie,
mais aussi à tous les camarades qui ont cessé le travail en
même temps que lui et qui défendent la cause ouvrière
sans craindre les privations. Toute grève apporte aux ou
vriers une foule de privations, et de privations si ef
froyables qu’elles ne peuvent se comparer qu’aux calamités
de la guerre : la faim au foyer, la perte du salaire, bien
souvent l’arrestation, l’expulsion de la ville qu’il habite
de longue date et ou il travaille. Et malgré tous ces mal-