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il marchande toujours avec le patron, il est aux prises avec
lui au sujet de son salaire.
Mais l’ouvrier isolé peut-il soutenir cette lutte ? Le
nombre des ouvriers s’accroît sans cesse : les paysans
ruinés désertent les campagnes et luient vers les villes
et vers les fabriques. Les grands propriétaires fonciers
et les fabricants introduisent des machines, qui enlèvent
le travail aux ouvriers. Les chômeurs se multiplient dans
les villes et les mendiants dans les campagnes ; les affa
més font de plus en plus baisser les salaires. L’ouvrier
isolé n’est plus à même de lutter contre le patron. Ré
clame-t-il un bon salaire ou refuse-t-il d’accepter une
réduction de sa paie, le patron lui répond : va-t’en d’i
ci, il ne manque pas d’affamés à ma porte, qui seront trop
heureux de travailler meme pour un bas salaire.
Quand la misère publique en arrive au point que dans
les villes et dans les campagnes il y a en permanence des
quantités de chômeurs, que les fabricants amassent d’im
menses richesses et que les petits patrons sont évincés par
les millionnaires, alors l’ouvrier isolé se trouve com
plètement désarmé devant le capitaliste. Celui-ci peut l’é
craser tout à fait, l’éreinter jusqu’à ce que mort s’ensuive
par un travail de forçat, et pas seulement lui, mais aussi
sa femme et ses entants. En effet, prenez les branches de
production où les ouvriers n’ont pas encore obtenu la pro
tection de la loi et où ils ne peuvent opposer de résistance
aux capitalistes : vous y verrez une journée do travail dé
mesurément longue, qui va jusqu’à 17 et 19 heures ; vous
y verrez des entants de 5 à 6 ans s’épuisant à la tâche ;
vous y verrez une génération d’ouvriers constamment af
famés et mourant peu à peu d’inanition. Exemple : les ou
vriers qui travaillent à domicile pour le compte des capita
listes ; du reste, tout ouvrier évoquera encore quantité
d’autres exemples ! Même à l’époque de l’esclavage et du
servage, les travailleurs n’ont jamais connu l’effrayante
oppression que font peser les capitalistes sur ceux des
ouvriers qui se montrent incapables de leur opposer
une résistance et d’arracher des lois limitant l’arbitraire
patronal.
C’est pour ne pas se laisser réduire à cette extrémité
que les ouvriers engagent une lutte farouche. Voyant qu’en